La volonté des manifestants de Tahrir ne faiblit pas. La démission du gouvernement de Essam Charaf, entérinée par le pouvoir militaire, n'apaise en rien la colère des protestataires du mythique maydane al Tahrir. Ces derniers ont même faussé les calculs des Etats-Unis qui misaient sur un pouvoir militaire conciliant pour maintenir un rapport de force favorable à Israël dans la région. C'était compter sans la volonté d'un peuple qui refuse de se voir confisquer sa révolution. Malgré la réticence des frères musulmans à rejoindre les manifestants, ces derniers ont réussi à se faire entendre. Mieux, ils ont obligé le pouvoir militaire à revoir sa copie notamment l'annonce d'un présidentielle avant juillet prochain et la possible organisation sur un referendum sur le transfert du pouvoir aux civils. De petites concessions qui ne font pas reculer les protestataires de Tahrir. Ces derniers, qui ont attendu 10 mois avant de réinvestir la mythique place de la révolution égyptienne, ne veulent pas moins qu'un transfert immédiat du pouvoir aux civils. Les annonces de l'armée égyptienne, relatives à la remise du pouvoir aux civils, comportent beaucoup de zones d'ombre, et l'idée de recourir à un référendum pourrait lui permettre de s'appuyer sur la «majorité silencieuse» contre les manifestants de Tahrir, croient savoir certains observateurs de la scène politique égyptienne. Le maréchal Hussein Tantaoui, chef du Conseil militaire égyptien, avait annoncé mardi la tenue d'une élection présidentielle mi-2012, une étape qui doit marquer l'abandon par l'armée du pouvoir exécutif. Le maréchal, chef d'Etat de fait depuis la chute du régime de Hosni Moubarak en février, a également confirmé la tenue comme prévu, à partir de lundi prochain, des législatives. Une assertion qui dépendra certainement de l'évolution des manifestations non seulement au Caire mais aussi à Suez, Aswan et Alexandrie. Les protestataires, déterminés à occuper la rue par milliers, disent ne pas croire un mot des paroles du maréchal, ministre de la Défense sous l'ancien régime, qu'ils assimilent désormais à son ancien mentor Hosni Moubarak. Ce contexte de crise fait craindre que les premières législatives depuis la chute de Hosni Moubarak ne soient émaillées de violences malgré les assurances du pouvoir militaire sur les conditions de leur déroulement. La détermination de la rue, qui a déjà provoqué la démission du gouvernement mis en place par le pouvoir militaire, laisse présager un bras de fer de longue durée. Hier, pour la le cinquième jour consécutif, la police affrontait les milliers d'Egyptiens qui réclamaient le départ des militaires au pouvoir. Pour la première fois, des médecins ont fait état de décès par balles réelles au cours de ces violences dans lesquelles trois personnes ont péri dans la matinée, portant le bilan des morts à au moins 33 depuis samedi. Le haut commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Mme Navi Pillay, a réclamé une enquête «rapide, impartiale et indépendante» sur les violences, tandis que les militants égyptiens accusent les policiers de viser les manifestants au visage, plusieurs d'entre eux ayant perdu l'usage d'un oeil. G. H.