C'est aujourd'hui que les 40 millions d'Egyptiens sont appelés aux urnes. Les premières législatives après la chute de Moubrak semblent, toutefois, reléguées au second plan, vu la tension que vit le pays depuis plus de 10 jours. Et pour cause ! Les manifestants qui ont réinvesti la place Tahrir ont placé cette fois haut la barre de leur revendication jusqu'à demander la tête du pouvoir militaire. En réclamant la passation du pouvoir des militaires, en qui ils ont perdu confiance, aux civils, les contestataires de Tahrir refusent les tergiversations de l'armée et la lenteur des réformes. Ils affirment que le maréchal Tantaoui, à la tête de l'Etat depuis le départ de Moubarak en février dernier, était l'autre face du régime de l'ancien dictateur. Le pouvoir militaire contesté ne se laisse, cependant, pas dépasser par les manifestants. Hier, à quelques heures du début du scrutin, il a averti qu'il ne permettrait aucune pression. Le bras de fer entre les deux parties ne laisse entrevoir aucune issue possible. La nomination, vendredi, de Kamal el-Ganzouri, pour diriger le gouvernement, n'a fait qu'envenimer la situation. Le chef de l'armée, qui s'est entretenu la veille avec Mohamed El Baradei et Amr Moussa, a laissé entendre qu'il ne renoncerait pas à M. Ganzouri. «Nous sommes confrontés à d'énormes défis auxquels nous allons faire face et nous ne permettrons pas à un quelconque individu ou une quelconque partie de faire pression sur les forces armées», a déclaré le maréchal Tantaoui. Il a, en outre, affirmé devant les journalistes avoir demandé à MM. El Baradei et Amr Moussa, l'ancien chef de la Ligue arabe, de soutenir M. Ganzouri. Le chef militaire a expliqué avoir reçu samedi, à «leur demande», MM. El Baradei et Moussa, dont les noms circulent pour diriger un éventuel gouvernement de «salut national», et leur avoir demandé «de soutenir le gouvernement Ganzouri», qui n'a toujours pas été formé. Le maréchal Tantaoui a rencontré d'autres personnalités politiques, mais plusieurs «présidentiables» ont refusé de participer aux tractations, a-t-on appris auprès de leurs services. M. El Baradei, ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et prix Nobel de la Paix, avait déclaré, samedi, être prêt à renoncer à l'idée d'être candidat à la présidentielle au cas où il lui serait demandé officiellement de former un gouvernement de salut. Les Frères musulmans, force politique la plus en vue du pays actuellement, ont clairement fait savoir que ce poste devrait leur être confié s'ils venaient à remporter les législatives. «Le futur Parlement est supposé représenter le peuple. Le Conseil militaire doit charger le parti qui remporte la majorité des voix de former le gouvernement», a affirmé leur porte-parole aux agences de presse. La place Tahrir s'apprêtait quand, à elle, à vivre une nouvelle nuit de mobilisation. Les milliers d'Egyptiens qui ralliaient la place, en fin de journée, comptaient faire de cette énième manifestation contre le pouvoir militaire, une réelle veillée d'armes. Depuis vendredi, des contre-manifestations de soutien à l'armée ont eu lieu parallèlement au Caire, rassemblant des dizaines de milliers d'Egyptiens. Ces rassemblements rivaux font redouter que le scrutin législatif soit émaillé de violences. La campagne pour les législatives s'est terminée dans les gouvernorats appelés aux urnes aujourd'hui, notamment le Caire et Alexandrie. Près de 40 millions électeurs, sur les 82 millions d'Egyptiens, sont appelés à élire 498 membres de l'Assemblée du peuple (Chambre des députés) en plusieurs étapes, jusqu'au 10 janvier. Dix autres seront nommés par le maréchal Tantaoui. L'Egypte est découpée en 27 gouvernorats divisés en trois groupes, qui voteront successivement sur deux tours. G. H./Agences