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Le Maghreb condamné à s'intégrer
La région a perdu beaucoup de temps depuis 1988
Publié dans La Tribune le 07 - 01 - 2012


Photo : Riad
Par Abdelkrim Ghezali
Après la CEE (communauté économique européenne), le projet de l'Union maghrébine est l'un des plus anciens ensembles économico-politiques. Dans les années vingt, les Maghrébins sous occupation coloniale, ont créé ensemble en France l'Etoile nord-africaine qui regroupe les courants indépendantistes des trois pays (Maroc, Algérie, Tunisie). Ce sont des maghrébins mobilisés par la France et des travailleurs qui ont fait leurs classes politiques dans le mouvement syndical français sous influence communiste, qui se sont regroupés à Paris en 1926, pour fonder l'Etoile nord- africaine et en faire un instrument de propagande indépendantiste des trois pays maghrébins et de lutte sociale pour défendre leur dignité d'immigrés. Pour l'Institut Tunisien des Relations Internationales, ITRI (noter la connotation berbère des initiales «Ithri» qui signifie étoile) : «l'Etoile Nord-africaine (ENA) est souvent citée comme référence historique dans certains milieux militants, car elle a été la première organisation politique de masse réunissant des immigrés maghrébins en France. Fondée en France dans les années 1920, cette organisation nationaliste révolutionnaire luttait pour l'indépendance des trois pays du Maghreb et, dans l'hexagone, pour la dignité des travailleurs immigrés. Si l'ENA était composée majoritairement d'Algériens, elle comptait aussi des militants tunisiens et marocains. Son antériorité et son caractère plurinational font de l'Etoile Nord- Africaine une référence politique ‘‘incontournable'' pour nombre d'associations et de militants de l'immigration et des banlieues.» Plusieurs facteurs endogènes et exogènes ont concouru, conduit à réduire l'ENA à une organisation nationale algérienne, notamment à partir de 1929 après la rupture politique et organique avec le PCF stalinisé. Néanmoins, les rapports politiques entre l'Istiqlal, le PPA-MTLD puis le FLN et le Doustour n'ont jamais été rompus. Les trois mouvements nationalistes ont toujours coordonné leurs actions jusqu'au congrès de Tanger qui devait jeter les bases d'une Union maghrébine intégrée et solidaire. Le 27 avril 1958, les représentants des deux pays fraîchement indépendants, la Tunisie et le Maroc et ceux de l'Algérie en lutte pour sa délivrance, se sont réunis à Tanger pour jeter les bases du Maghreb. C'est à Tanger que la décision a été prise de Créer le GPRA avec le soutien actif du Maroc et de la Tunisie. Après l'indépendance de l'Algérie, le projet maghrébin est resté symbolique, ne dépassant pas le cadre des vœux et des promesses. Les différences des options politiques et économiques de chacun des pays du Maghreb, les ambitions personnelles des dirigeants maghrébins et les alliances stratégiques avec des puissances étrangères opposées, ont fini par repousser les échéances de la mise en œuvre du projet de l'UMA à la fin des années quatre-vingt. L'affaire du Sahara occidental qui a éclaté en 1975, a provoqué un clash diplomatique entre Alger et Rabat. Ce n'est qu'en 1987 que les deux pays reprennent langue et le tête-à-tête entre Chadli et Hassen II, à la frontière algéro-marocaine, allait ouvrir une nouvelle page dans les relations bilatérales et relancer le projet maghrébin lors du sommet entre les cinq pays à Zeralda en Algérie, pour adopter la déclaration de principe, acte fondateur de l'UMA. En 1988, le second sommet se tient à Marrakech et l'UMA est officiellement proclamée. Une clause stipule que les questions qui fâchent ne doivent pas entraver l'édification de cet espace social et économique qu'est l'UMA. L'allusion est faite à la question du Sahara occidental qui oppose l'Algérie et le Maroc. Pourtant, des contacts sont engagés entre le Maroc et le Polisario et des négociations pour la tenue d'un référendum au Sahara occidental allaient commencer à Huston. La tragédie nationale algérienne a rouvert l'appétit du Maroc qui voyait l'Etat algérien s'affaiblir. L'attentat de Marrakech a été pour Rabat l'occasion de rompre ses engagements maghrébins et de geler sa participation à la construction de l'UMA, se tournant vers l'Union européenne comme alternative avant de déposer sa candidature à l'adhésion au CCG en 2011. Les révoltes arabes et les mutations structurelles qui s'opèrent dans la région offrent une occasion pour la relance de l'UMA sur des bases démocratiques et pragmatiques. La crise économique mondiale chronique menace sérieusement les pays dont les potentiels économiques sont éclatés et dispersés. Les pays maghrébins sont condamnés à s'entendre et à s'intégrer économiquement et socialement pour faire face aux défis qui les guettent. D'autant plus que les systèmes économiques des cinq pays sont semblables et leur complémentarité ne peut que les renforcer et en faire un puissant bloc. La démocratisation en marche dans la région favorise d'ores et déjà un rapprochement des sociétés civiles et des institutions élues en attendant que les gouvernements se décident à tenir le 7ème sommet de l'UMA en suspens depuis 2002.


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