La grave crise politique en cours en Syrie depuis le 16 mars 2011 semble ne plus trouver d'issue, voire se compliquer davantage. Dans un pays à la géopolitique très particulière, la contestation légitime du pouvoir en place par une partie de la population se voit confronter à une «résistance» du régime usant avec habilité des arguments nationalistes, jusque-là porteurs. Le pouvoir en place reste inflexible malgré une pression dantesque parallèlement à une guerre de l'information et un battage médiatique sans commune mesure initié par les Occidentaux et certains pays arabes. L'usage de la force contre la population par le pouvoir de Bachar al Assad reste néanmoins contre-productif accentuant la gravité de la situation. Le nombre de morts augmente au fur et à mesure et le chaos général menace. La mission des observateurs de la ligue arabe acceptée par Damas après moult refus semble faire du surplace. Les contestataires du régime reprochent aux envoyés de la ligue de ne pas voir les dérives du pouvoir et de minimiser la répression toujours en cours, notamment dans des villes comme Homs et Hama. La Ligue arabe s'inquiète de son côté sérieusement des risques d'une guerre civile, scénario de plus en plus vraisemblable en Syrie. Le secrétaire général de la Ligue arabe Nabil el Arabi qualifie de «préoccupants» les comptes rendus du chef de la mission. Il réfute toutefois de récentes conclusions du sous-secrétaire des Nations unies Lynn Pasco, selon qui «la répression se serait accentuée» depuis l'arrivée des observateurs. Il ne fait «aucun doute que le rythme des morts violentes a baissé grâce à la présence des observateurs», dira le chef de la ligue arabe. Les 19 et 20 janvier prochains la mission controversée présentera un rapport détaillé aux ministres des affaires étrangères de la Ligue. La poursuite ou non de la mission sera ainsi décidée sur la base dudit rapport. Un retrait des observateurs de la ligue sera incontestablement considéré comme un signe pour les va-t-en-guerre qui n'hésiteront pas à recourir encore une fois à l'alibi du Conseil de sécurité. Selon les médias britanniques, une intervention de l'Otan en Syrie est sérieusement envisagée. Selon le model libyen. En attendant l'opposition syrienne tente de s'organiser pour peser davantage dans une guerre de tranchées qui va en se durcissant. Le dirigeant du Conseil national syrien regroupant la majorité de l'opposition, Bourhan Ghalioun, et Riad Al-Assaad, chef de la toujours ambigüe Armée syrienne libre formée des déserteurs de l'armée, se sont rapprochés. L'autisme du pouvoir syrien est en train de pousser involontairement l'opposition vers un non-retour tragique pour l'avenir de la Syrie. Dans cette crise syrienne à ramifications diverses, la Russie semble opter finalement pour une position plus franche. C'est que l'exemple libyen est encore dans les mémoires. Moscou a perdu un allié singulier dans la chute du régime de Mouammar Kadhafi. En votant la résolution du Conseil de sécurité de l'Onu agréant l'intervention de l'Otan en Libye, la Russie a fait une erreur stratégique qu'elle semble regretter. La Libye se retrouve aujourd'hui complètement dans le giron occidental au grand dam de Moscou qui semble contraint de changer de stratégie. L'arrivée d'un navire transportant une cargaison d'armes au port de Tartous en Méditerranée où se trouve la base navale russe, après l'accostage d'un porte-avions, donne des signes que Moscou n'entend plus se laisser duper. Selon des médias russes, le navire en question pourrait transporter jusqu'à 60 tonnes d'armes et d'équipements militaires, envoyés par l'agence publique russe d'exportation d'armements Rosoboronexport via un expéditeur, la société Balchart. L'Axe Damas-Téhéran semble en ces temps de crise d'une grande importance pour Moscou. Pour Dimitri Rogozine, vice-Premier ministre et représentant spécial du président russe pour la coopération avec l'Otan sur la défense antimissile, une agression contre l'Iran constituerait une menace directe pour la sécurité de la Russie. « Si quelque chose arrive à l'Iran, s'il se trouve impliqué dans des hostilités, il s'agira d'une menace directe pour notre sécurité», dira Rogozine qui quitte son poste comme ambassadeur russe auprès de l'Alliance. De son côté Nikolaï Patrushev, haut responsable à la sécurité au Kremlin et proche de poutine, a déclaré clairement qu'Israël pousse franchement les Etats-Unis vers la guerre contre l'Iran. Les récentes déclarations des officiels russes sont en droite ligne d'un positionnement favorable à Damas. Moscou a livré récemment à la Syrie des missiles S300 particulièrement redoutés par les avions d'attaque. Dans un jeu géopolitique à multiples facettes, la Syrie reste déchirée entre deux options en contradiction. L'ambition légitime d'un pan entier de la population syrienne de pousser le régime vers une démocratisation inéluctable. Et un pouvoir alambiqué, nullement disposé à subir le sort des régimes libyen et tunisien, mais incapable de s'ouvrir à toute alternative. Difficile dilemme pour les Syriens dans leur majorité pour qui il est aisé de deviner à qui profite une fragilisation de la Syrie. Une Syrie plus que jamais déchirée entre «révolution» et «stabilité». M. B.