Photo : S. Zoheir Par Abdelkrim Ghezali Deux facteurs majeurs constituent pour l'heure un rempart qui protège l'Algérie des effets de la crise financière en zone euro : la non-intégration du système financier algérien au système mondial et le matelas financier conséquent de près de 200 milliards de dollars qui alimente les investissements publics et finance les approvisionnements en équipements et en produits alimentaires. La croissance en Algérie est tirée essentiellement par le secteur des hydrocarbures, les travaux publics, les services et l'agriculture. Le secteur industriel demeure, quant à lui, dans un état léthargique et ce, en dépit du large tissu dont il dispose et des compétences humaines en jachère. La relance du secteur industriel ne peut se suffire de l'assainissement financier des entreprises. La mise à niveau technologique et la diversification de la production industrielle sont les conditions majeures de la renaissance d'activités productives de valeur ajoutée et génératrice d'emplois qualifiés. Les appréciations positives des différentes institutions financières internationales ne devraient pas voiler la réalité de l'économie nationale qui reste tributaire des recettes des hydrocarbures. Pourtant, et depuis les années 1970, les autorités politiques, conscientes de cette contrainte, ont toujours plaidé pour la diversification de l'économie, mais les choses n'évoluent pas dans le sens souhaité en l'absence d'une stratégie économique globale alternative à la rente pétrolière articulée autour de trois axes porteurs : l'agriculture, les énergies et les travaux publics. La crise financière internationale, qui touche désormais l'économie réelle, est un contexte favorable pour que l'Algérie s'engage résolument dans une voix volontariste qui ferait de son agriculture un secteur fort, notamment en développant les cultures stratégiques pour, d'une part, diminuer sa facture d'importation et, d'autre part, favoriser une exportation de qualité. Les Hauts-Plateaux algériens constituent un terreau pour ce genre de culture alors que la mise en valeur des terres dans le Grand Sahara peut permettre à l'Algérie, à terme, non seulement d'atteindre l'autosuffisance en matière de céréales mais d'en exporter une grande quantité. Le secteur de l'énergie ne doit plus être perçu comme une manne financière, mais comme un moteur pouvant entraîner le développement d'une industrie dont le secteur a besoin et dont les équipements sont importés à coups de milliards de dollars. Le ministre de l'Energie et des Mines a déjà abordé cette question en appelant les entreprises du secteur à s'approcher des industriels nationaux pour s'approvisionner et pour l'usinage de certains équipements. La perspective des énergies renouvelables devra inciter les autorités à encourager une industrie nationale qui produit les équipements nécessaires à ce secteur stratégique. Enfin, le secteur du bâtiment et des travaux publics en pleine croissance devra, lui aussi, stimuler une industrie nationale qui réponde à ses besoins en équipements et machines lourdes. Rappelons que le Haut-Commissariat à la planification et à la prospective (HCPP), en collaboration avec différents départements ministériels, a lancé, en octobre 2010, une réflexion sur une stratégie globale de développement économique. Le HCPP a ainsi tenu une série de réunions avec les représentants des ministères autour d'une démarche qu'on voulait «cohérente et sérieuse» pour reprendre les termes utilisés par un membre du Commissariat. Ces parties travaillent autour de cinq axes principaux : les secteurs compétitifs, l'énergie, l'aménagement du territoire, le développement humain et, enfin, les institutions et les modes de gouvernance. L'objectif est d'identifier pour le premier axe les secteurs à développer en fonction de leur compétitivité. Le but est également de rechercher les moyens susceptibles d'assurer l'adaptation face aux changements en matière d'énergie et de clarifier les choses dans le débat sur l'épuisement des énergies fossiles et le recours aux énergies renouvelables. Pour les trois autres axes, le travail est concentré sur les méthodes d'amélioration des indicateurs de développement humain en Algérie, les bases de la stratégie nationale d'aménagement du territoire et, enfin, les moyens à même d'assurer une meilleure gouvernance autour de ces institutions. Manifestement, ce projet a été abandonné, puisque rien n'a été fait à ce sujet depuis plus d'une année. Pourtant, c'est l'occasion ou jamais d'aller vers l'élaboration d'une stratégie globale de développement tous azimuts.