Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali
Dans la fièvre constructrice qui s'est emparée d'une Algérie pressée d'en finir avec la crise du logement, des cités ont été érigées dans des délais record à travers le territoire national et des milliers de sans-logis et de mal-logés ont reçu les clés de leurs nouvelles habitations dans une ambiance de liesse que la télévision algérienne a retransmise à longueur d'émissions. Pour les heureux bénéficiaires de ces nouveaux logements, dont beaucoup attendaient ce moment-là depuis de très longues années, cela représentait la fin d'une existence faite de vicissitudes et d'incertitudes et permettait de rêver d'un avenir moins agité. Ce qui n'est pas une vue de l'esprit même si, par ailleurs, leur situation ne s'était pas grandement améliorée, le chômage, la fragilité du pouvoir d'achat, la déperdition scolaire… bref, tous les problèmes que les Algériens vivaient au quotidien demeuraient presque entiers. Pourtant, tout en reconnaissant avoir enfin un toit décent, beaucoup ne manquent pas de déplorer une certaine laideur urbanistique, l'absence d'espaces verts ou encore de loisirs dans leurs cités : «On sait que la priorité était au nombre de logements et non à leur qualité mais les constructeurs auraient pu faire l'effort de l'esthétique, observe un des locataires de la cité des 2.000 logements AADL d'Oran. Les concepteurs auraient pu, à tout le moins, mieux penser les aires de loisirs et les espaces de jeux pour les enfants.»La préoccupation première étant, en effet, la livraison massive de logements en un temps record, l'aspect esthétique et l'harmonie des constructions avec les spécificités de la région n'ont jamais été prises en compte et la ville d'Oran s'est ainsi retrouvée entourée d'une ceinture de cités grises, à la limite de la laideur, que seule l'extrême gravité de la crise du logement a rendues acceptables par des demandeurs au bord de la crise des nerfs. Aujourd'hui, les automobilistes qui empruntent la nouvelle Rocade contournant la ville par son côté Est, peuvent admirer les nouvelles cités réalisées - ou en cours de construction - qui, toutes proportions gardées, ont tout l'air de cités-dortoirs où il ne fait pas bon vivre et s'épanouir. Pas de place aux courbes et aux couleurs dans cette agglutination de cubes en béton faits pour dormir ou ouvrir des commerces. En visite à Oran en janvier 2008, le ministre de l'Habitat, Noureddine Moussa, avait particulièrement insisté sur la nécessité de prêter attention à la qualité des constructions qui doivent respecter le cachet algérien. «Que ce soit dans les zones urbaines ou rurales, les constructions doivent s'inscrire dans la modernité, tout en respectant les spécificités de chaque région», avait-il notamment souligné.Mais force est de constater que ces exhortations n'ont pas trouvé d'écho puisque l'aspect esthétique ne figure pas parmi les préoccupations premières des bâtisseurs pour lesquels la livraison des logements demeure la préoccupation première ; a fortiori ces derniers temps où les prix des matériaux de construction ont enregistré les bonds que l'on sait… Le constat est d'autant plus frappant qu'il est loisible pour les Oranais ou les visiteurs de faire le comparatif avec les belles constructions coloniales qui, à Oran-ville ou dans les autres communes, continuent de susciter l'admiration par leur beauté et l'harmonie de leur architecture avec le milieu. En tout cas, celles qui n'ont pas subi la bunkérisation rampante qui a ravagé de très nombreuses autres constructions qui, de coquettes petites maisons entourées de jardins, se sont métamorphosées en amalgame de béton surmonté d'une terrasse carrée.