Les prix Nobel ont été décernés et beaucoup d'Algériens avaient caressé le rêve légitime de voir Assia Djebar décrocher celui de littérature au vu de son immense talent et de son parcours à plusieurs facettes. Elle est déjà parmi les plus grands mais les citoyens éclairés ont tout à fait le droit de rêver, d'espérer toutes les reconnaissances possibles qui mettent de la fierté, de la joie et surtout de la réconciliation entre les créateurs et ceux qui admirent leur culture nationale. Les Nobel récompensent dans les disciplines scientifiques, pour la littérature, la paix, des talents indiscutables, de la recherche et des parcours de plusieurs décennies. Certes, les prix dans leur immense majorité sont mérités. Cependant, les grandes nations scientifiques et culturelles, celles qui exportent des inventions, des technologies, des médicaments de nouvelle génération, des films, des livres, de la musique, de la bande dessinée, du théâtre, de la danse, des expositions qui coûtent des centaines de millions d'euros ou de dollars, investissent énormément sur deux niveaux. Le premier niveau relève de l'évidence basique, valable dans n'importe quel secteur, dans n'importe quel domaine. Pour glaner des prix et des récompenses qui ont du crédit, une valeur culturelle et marchande, il faut une production en quantité. Cette dernière, bon an mal an, génère une teneur en valeur ajoutée. C'est la qualité qui décroche les sommets, les prix, la gloire et de l'argent selon les cas. Il s'agit encore et toujours des industries culturelles qui font de la production massive, générées H24 par un maillage de PME/PMI qui suscitent des offres et répondent à des demandes très diversifiées dans tous les arts majeurs, ceux dits mineurs dans tous les genres. Parallèlement, en amont et en aval, la logistique, le management, les enquêtes et sondages, l'étude des marchés extérieurs, leur développement ou leur récession, les recherches de financements nationaux, communautaires et internationaux sont déployés de façon rigoureuse. Il faut diminuer les coûts, délocaliser des tournages ou la fabrication de décors et costumes, adapter l'informatique, investir à l'international et capter les talents étrangers. Le deuxième niveau, sophistiqué, subtil, fait d'intelligence et de discrétion, consiste à assurer le rayonnement et le travail de lobbies avec les supports adéquats. La réussite est au bout lorsque la première condition est remplie. Celle-ci consiste à produire de la qualité à partir d'une grosse quantité. Le rayonnement et les lobbies n'ont de sens qu'avec des revues de qualité qui voyagent dans le monde au même titre que les œuvres, les artistes et les scientifiques, les architectes et les ballets, les orchestres et les traductions. Israël traduit plus d'ouvrages littéraires que l'ensemble des pays arabes. Le développement envisagé en Algérie n'aura de pertinence, d'harmonie et de durabilité qu'avec un plan Marshall urgent pour des industries culturelles qui associent le privé et le public. A. B.