L'union pour la Méditerranée convulse avant la naissance. Après des mois d'attente et de suspense, le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a exprimé hier, sur les ondes de la radio nationale, les réserves de l'Algérie par rapport au projet de Nicolas Sarkozy. Et les réserves de Medelci ont été confortées, pratiquement au même moment, par un haut responsable libyen qui, comme le ministre algérien, parle de «zones d'ombre». Si Mourad Medelci, en fin diplomate, ne rejette pas totalement l'idée du chef de l'Etat français, lui trouve, par contre, d'énormes «zones d'ombre». «Il y a beaucoup de choses à éclaircir encore», a dit le ministre algérien qui ajoute, sur un ton qui en dit long sur la position algérienne, qu'il faudra «des mois pour pouvoir rendre le projet plus clair». Et parler de plusieurs mois pour un projet que Sarkozy veut immédiat est presque synonyme d'un échec annoncé. Et l'échec est merveilleusement expliqué par le chef de la diplomatie algérienne. Du moins dans certains détails, notamment ceux liés aux projets qui vont être financés. Le ministre a précisé que, contrairement au processus de Barcelone, l'apport de l'Union européenne dans le futur groupe est «marginal». «Le taux de financement des Européens est vraiment minime. Ils [les Européens] proposent de participer de manière marginale, en nous demandant, à nous, de financer des projets censés être communs», a-t-il encore indiqué, tout en soulignant que les pays arabes, réunis récemment au Caire, en Egypte, se sont entendus pour adopter une position commune contre la proposition de l'Union européenne. Et pour résumer le tout, Mourad Medelci parle de déception. Une déception due au fait que le projet de l'union pour la Méditerranée est un projet «purement commercial, alors qu'il doit être stratégique», a précisé l'invité de la radio nationale qui assure, par contre, que le projet de l'union pour la Méditerranée «n'est pas contradictoire» avec l'ambition de fonder «l'Union du Maghreb arabe». Et le projet de l'UMA reste toujours, à l'image de l'UPM, un projet mort-né. Medelci a réitéré l'ambition, vieille de 20 ans, de construire l'ensemble maghrébin. Mais, à ses yeux, cette ambition se heurte au différend algéro-marocain sur le Sahara occidental, même s'il a tenu à préciser que les deux pays «entretiennent des relations fraternelles». Le ministre des Affaires étrangères a reconnu pour la première fois que les relations algéro-françaises ne sont pas aussi bonnes qu'on l'imagine. Il a indiqué, par exemple, que l'accord de coopération stratégique, qui devait être signé lors de la visite d'Etat de Nicolas Sarkozy en décembre dernier à Alger, a été reporté à cause de plusieurs désaccords, qu'il n'a toutefois pas précisés. Il a seulement reconnu que «les négociations ont été difficiles» et que cela pourra être réglé lors de la visite qu'effectuerait le Premier ministre français, François Fillon, à Alger les 21 et 22 juin prochain. Sur le plan purement interne, le chef de la diplomatie algérienne a révélé qu'il y aura un mouvement dans le corps diplomatique au courant du mois de juin. Deux autres ambassades, dont une à Zagreb, en Croatie, et un consulat à Dubai vont être ouverts incessamment. A. B.