Tiens, tiens, comme de coutume, il fallait que vienne chez nous l'Autre, désormais étranger, hier proche, pour que l'on sache, pour la énième fois, que l'herbe du roman noir algérien n'est pas verte chez nous. Maurice Attias, psychanalyste, auteur de la formidable trilogie «Alger la noire», «Pointe rouge» et «Paris Blues» (Actes Sud), sera chez nous. Le père de cette saga nous en dira des choses le 22 février, à l'Institut français d'Alger. Dans une ville transie de froid, sur fond de désert culturel, c'est une nouvelle qui réchauffe le cœur. A l'initiative réjouissante des éditions Barzakh, ce Pied-noir de Bâb-El-Oued viendra parler de son roman qui a pour triple cadre l'Alger colonial et ensanglanté de 1962, Marseille et Paris. Maurice Attias à Alger, c'est une belle idée qui rallume déjà les émotions du lecteur. Mais elle ne ravive pas seulement des frissons de lecture. Elle rappelle aussi que dans Alger, jadis Blanche, le policier ne fait pas son roman. Le flic ou l'espion ne font pas chez nous le pol'art. Si l'anthologie de la littérature algérienne n'est généralement pas riche, le recueil du roman noir, y compris du polar, est un codex de modeste pagination. La présence à Alger de Maurice Attias, un auteur qui a du noir dans les veines, est l'heureuse occasion d'un flash-back romanesque ou d'un fondu-enchaîné littéraire. Le roman noir algérien est né vers 1970. Acte de naissance sous la signature d'un anti-impérialiste, ancien républicain espagnol. Sous le pseudo Youcef Khader, M. Vilatimo, français de souche, a signé une double trilogie commencée avec Délivrez la fidaya et achevée avec Quand les «Panthers» attaquent. Il en a fait une ode à la Sécurité militaire algérienne, via son James Bond SM15, Mourad Saber, agent antisioniste. A partir de 1980, les héros deviennent des flics ordinaires mais superdoués dans des romans qui prennent la ville comme miroir des événements. Une hallucinante radiologie de la société. Les auteurs, dont une jolie exception féminine, en sont Abdelaziz Lamrani, Larbi Abahri, Zehira Houfani Berfas, Djamel Dib, Salim Aissa, Rabah Zeghouda et Mohamed Benayat. Et, plus près de nous, le plus célèbre d'entre eux, Mohamed Moulesshoul, qui signera sous les blazes de Commissaire Llob et Yasmina Khadra. Et, dans le genre le polar et la manière, l'anonyme mais talentueux Amid Lartane, avec son unique l'Envol du Faucon vert. Quelques fragments de mémoire : le Portrait du disparu, la Saga des djinns et Freddy la rafale. Beaucoup de frissons mais peu de titres et d'auteurs d'un genre qui se meure chaque jour un chouïa. C'est à broyer du noir. N. K.