Le match Algérie-Serbie (ce soir à 19h15 au stade du 5 Juillet) a provoqué un engouement extraordinaire. Les 56 000 tickets mis en vente par l'Office du complexe olympique du 5 Juillet ont été écoulés en quelques heures, provoquant par là même un sentiment mêlé de colère et d'amertume dans les rangs des supporters et, surtout, des familles, et elles étaient nombreuses, qui ne veulent pas rater ce rendez-vous. Comme d'habitude, le marché noir (revente du ticket à un prix exorbitant), qui fait le bonheur des spéculateurs qui ont senti la bonne affaire, est collé au football, au grand dam des supporters et supportrices qui attendent ce jour avec impatience pour fêter les Verts et les remercier pour tout ce qu'ils ont réalisé au cours des derniers mois... et leur souhaiter bon vent en Coupe du monde l'été prochain. Donc, des milliers d'Algériens ne se rendront pas au stade du 5 Juillet pour assister à Algérie-Serbie. C'est la faute à qui ? A tous et à personne. La direction de l'OCO, qui a piloté l'opération de vente des tickets, est pointée du doigt parce que ce n'est pas tous les candidats-spectateurs qui désiraient être présents au stade ce soir qui auront le loisir de le faire. La capacité d'accueil a été arrêtée à 56000 places pour des raisons évidentes de sécurité. On peut, peut-être, reprocher à l'OCO sa manière de procéder (vendre tous les tickets le même jour) sans tenir compte des contraintes des supporters qui résident à l'intérieur du pays, qui voulaient assister au match mais qui, malheureusement, n'ont pu effectuer le déplacement jusqu'à Alger pour être présents le jour J et à l'heure H. Mais on ne peut raisonnablement culpabiliser entièrement l'OCO dans cette affaire à partir du moment où ce problème, les capacités d'accueil et la très forte demande dépassent ses moyens. Cet épisode de la vente des tickets nous renvoie à l'amère réalité. Il reflète la profondeur de la crise dans laquelle se débat le sport algérien en général et le football en particulier. Les deux entités croulent sous la vétusté des infrastructures et des capacités d'accueil de celles-ci. Les bons résultats de l'équipe nationale suscitent, depuis des mois, une euphorie sans pareille qui malheureusement ne peut être ni canalisée ni exploitée à bon escient tout simplement parce qu'ils ne sont pas accompagnés par des moyens appropriés dans tous les domaines. La (rapide) sortie des Verts de la léthargie, qui a bercé leur parcours au cours des derniers mois, a créé un besoin énorme qui ne peut être totalement satisfait dans la mesure où rien n'a été prévu en parallèle, à savoir la construction de nouveaux stades, modernes, fonctionnels qui garantissent le bien-être des spectateurs, qui offrent toutes les conditions de sécurité et de commodités, qui permettent aux supporters de se rendre au stade dans la joie, la convivialité, sans avoir peur d'être agressés, délestés de leur portable, basket, blouson... Tous ces éléments sont, pour l'instant, inexistants. La non-satisfaction de la forte demande de billets pour la rencontre Algérie-Serbie participe de cet ensemble de raisons qui, au lieu d'offrir du plaisir et du bonheur aux Algériens, tourne à la déception et à la colère. La bonne tenue de l'équipe nationale a donc mis à nu beaucoup de carences. Préoccupée par la mise en place des moyens appropriés pour garantir la meilleure préparation des Verts dans la double perspective des deux importants rendez-vous de 2010, la CAN 2010 en janvier dernier en Angola et la Coupe du monde 2010 l'été prochain en Afrique du Sud, la Fédération ne pouvait s'occuper de ce volet. Admettons un instant qu'elle le voulait, dispose-t-elle de tous les outils pour le faire ? Pas si sûr. Elle est la première victime du renouveau de l'équipe nationale. Elle travaille dans l'urgence. Beaucoup de parties ont volé au secours de la victoire mémorable de Khartoum.Elles se sont même appropriées le succès des Verts. C'est à peine si elles n'ont pas dit que les joueurs, le staff technique et les responsables de la Fédération n'étaient pas les seuls artisans de ce triomphe. Demain, si l'équipe nationale rentre dans les rangs, cela peut se produire, la famille du football n'aura que ses yeux pour pleurer et regarder s'éloigner ceux qui se partagent le festin. Le football algérien est toujours sinistré, malgré les exploits des joueurs à Oumdurman, Luanda et Cabinda. La preuve, la Fédération est impuissante pour répondre à l'attente légitime des supporters. S'il y a des parties à blâmer dans cette histoire de billets pour le match Algérie-Serbie ce n'est certainement pas la fédération et l'OCO. Ils ont fait avec ce qui existe. Hier encore, lors des assemblées générales ordinaires de la Ligue nationale et de la Fédération, les gestionnaires des deux structures ont encore rappelé les défis (immédiats) qui attendent le football algérien. Le passage, rapidement, au professionnalisme. A quelques mois de la clôture des délais impartis par la Confédération africaine de football (CAF), sous peine d'interdiction de participation de nos clubs aux compétitions régionales, continentales et internationales, la Fédération, la Ligue nationale et les clubs ne savent pas de quoi demain sera fait. La FIFA et la CAF ont rendu, statutairement, obligatoire le passage au professionnalisme pour obtenir la licence pro. Cela ne va pas, bien sûr, sans quelques conditions draconiennes en matière de gestion et de contrôle de la comptabilité et des finances des associations. Ces dernières ne peuvent accéder à ce type de statut sans une batterie de textes émise par les pouvoirs publics. Si les choses restent en l'état en 2010, dernier délai fixé pour ce passage, les clubs algériens seront frappés d'interdit de participer à une compétition internationale officielle chez eux et à l'extérieur. Les enjeux pour l'avenir du football sont extrêmement importants. Ils dépassent le souci conjoncturel de l'acquisition du billet pour Algérie-Serbie. Le football algérien est en danger. La manière avec laquelle il a fonctionné depuis l'indépendance a fait son temps. Ou il s'adapte ou il disparaît de la carte du football international. Le règlement des problèmes du sport roi est chaque fois reporté aux calendes grecques. Les actuels gestionnaires du ballon rond ont prouvé au cours de ces derniers mois et années ce qu'ils savent faire. La gestion d'une rencontre, dans ses divers aspects, est largement dans leurs cordes. Ils risquent de se démobiliser si les pouvoirs publics continuent de jouer la montre et n'interviennent pas une fois pour toutes pour apporter les solutions que le football attend d'eux et réclament depuis des années.