Près de 2 millions de mines posées par l'armée coloniale restent enfouies au ras du sol de plusieurs communes frontalières du pays. L'action «civilisatrice» de la colonisation qui a lourdement investi pour isoler l'Algérie de ses pays voisins par la construction des lignes Challe et Morice dès 1956 sur les frontières Est et Ouest du pays, continue de semer la terreur parmi les bergers, agriculteurs et enfants habitant ces régions. En parfaite violation de la Convention de Genève, 11 millions de pièces meurtrières, ces armes lâches qui tuent sans discernement même après la guerre, avaient été enfouies. Longues de 1 510 kilomètres linéaires (km/l) avec une densité de 0,8 à 3,5 mines par m/l, ces lignes de la honte continuent d'endeuiller les familles algériennes. Pourtant dès l'indépendance, des opérations de déminage menées par l'Armée nationale sont lancées. De 1963 à 1988 pas moins de 7,8 millions de mines ont été détruites. La deuxième phase de «dépollution», terme utilisé par le colonel Houcine Hamel de l'ANP, qui est intervenu lors d'une conférence de presse animée au siège d'El Moudjahid, a pris effet dès 2004. Sur le compte rendu détaillé de l'officier, le constat fait sur le territoire miné indique que l'est du pays reste la zone la plus touchée par ces armes. Une superficie de 2 900 hectares a été minée sur près de 1 500 km/l. La zone est répartie sur 54 communes de quatre wilayas. Le colonel précise que 21 communes ont été complètement dépolluées, ce qui donne un taux de dépollution de 53%. Pour la frontière ouest, un taux de déminage de 25% est enregistré sur les deux wilayas concernées, à savoir Béchar et Tlemcen. Ce faible taux s'explique, selon lui, par le retard dans le lancement de la seconde phase de déminage qui n'a commencé qu'en fin 2007. Il précisera également que le faible taux de dépollution annoncé est aussi dû au lancement de la seconde étape de traitement qui scellera la dépollution totale de ces régions. Au total, près de 780 000 mines ont été déterrées durant la seconde étape de déminage, sans compter celles éclairantes ou lumineuses qui occasionnent des dégâts moins importants. «Un million de mines ont été récupérées lors de la seconde phase», annonce le colonel Hamel. Le chiffre ainsi arrondi et ajouté au 8 millions de mines détruites pour la première phase de déminage, l'Armée nationale aura réussi à déterrer 9 millions de ces engins explosifs sur les 11 millions disséminés. Ainsi, près de cinquante années après l'indépendance, les preuves d'une colonisation haineuse et sans égards ni pour l'humain, ni pour l'animal (il est bon de noter que les lignes Challe et Morice présentaient aussi des lignes électrifiées à 5 000 et 25 000 volts), ni pour la terre elle-même car un sol miné interdit toute exploitation. La pose de ces mines est une guerre déclarée à travers le temps et les générations. Un engin de mort posé pour que meure toute vie à tout moment. Et ce n'est pas le fait d'avoir remis les cartes des lignes de la honte qui rachètera cette abomination. Car il est de notoriété que les mines posées ne tiennent pas leurs places. Avec le temps et les intempéries, les mines, comme les hommes, se déplacent. Reste juste cette haine de l'autre qui ne se refermera que quand ces armes et d'autres encore se tairont. S. A.