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«Ils ont balayé la repentance de la France et nous demandent d'exprimer nos regrets»
En visite à la Tribune, Zohra Drif-Bitat déclare révoltée :
Publié dans La Tribune le 04 - 04 - 2012


Photo : S. Zoueïr
Par Samir Azzoug
«Je suis contente d'être allée là-bas car ça m'a ouvert les yeux sur un mouvement qui s'organise pour délégitimer notre combat pour l'indépendance et tout autre mouvement indépendantiste», déclare la moudjahida Zohra Drif-Bitat, faisant allusion au colloque Mariane - El Khabar organisé au début de ce mois d'avril à Marseille. En visite de courtoisie au journal la Tribune, la sénatrice et vice-présidente du Conseil de la Nation s'étonne : «Jamais, je n'aurais imaginé qu'un jour les Français viendraient nous dire de nous excuser pour avoir mené notre Révolution. Car c'est ce qui m'a été demandé à Marseille. Vous voyez la gravité de la situation ! Ils ont balayé la repentance de la France et nous demandent d'exprimer nos regrets pour avoir chassé leur population civile qui était partie prenante du conflit, car opposée à toute décision en notre faveur.» Revenant sur ce mouvement de «délégitimation d'une guerre d'indépendance qui a marqué le XXe siècle», Mme Zohra Drif-Bitat le qualifie de «reprise en main du colonialisme dans un contexte de mondialisation et de globalisation». «Ils veulent nous assimiler à des terroristes. Ils souhaitent que tout mouvement de libération soit qualifié de terrorisme et visent par là les Palestiniens», explique-t-elle en déplorant que cette offensive émane également de certains «enfants de ce pays». «C'est un spectacle affligeant de voir nos enfants s'inscrire dans cette logique pour dire que la seule violence légitime est celle de
l'Occident et les autres, c'est du terrorisme», condamne-t-elle. Elle fera allusion également à certains articles de presse qu'elle qualifie de «dégueulasse», particulièrement un, qu'elle jugera calomnieux à l'égard de sa «sœur de combat», Djamila Bouhired. «Je n'ai jamais vu un engagement en faveur de la Révolution comme celui de Djamila. C'est une femme très courageuse, intelligente et dévouée. Ce n'est pas un personnage fabriqué», soutient-elle avant de raconter un épisode de leur militantisme où Djamila Bouhired a risqué sa vie en portant une bombe dans le tramway d'Alger pour protéger ses «sœurs» et ne pas faire capoter l'opération. Réservée et pudique sur ses faits d'armes et souffrances, elle explique la défaillance -générale- sur l'écriture de l'histoire de la Révolution et les témoignages des acteurs par l'euphorie de la victoire, l'importance de la tâche qui attendait les Algériens -celle de la construction d'un Etat- et l'esprit de la Révolution qui imposait l'obligation de réserve. «Après 1962 et la joie d'avoir réalisé notre rêve, nous n'avons pas pensé à écrire l'Histoire. Nous avons juste tourné la page sur la guerre, car nous étions conscients du défi qui nous attendait ; celui de répondre au serment fait à nos morts de construire un pays», explique-t-elle. Et de poursuivre : «La force de la Révolution algérienne était la discipline rigide du FLN. Le cloisonnement et les règles du silence et l'obligation de réserve étaient stricts. On a conservé ces réflexes après l'indépendance. Mais maintenant, les choses se font et les gens parlent.» Sur les polémiques suscitées après la médiatisation de chaque témoignage, Mme Zohra Drif-Bitat déclare : «Il y a des témoignages et il y a aussi de la manipulation. Oui, il y a eu des heurts entre moudjahidine et ce n'est pas infamant, c'est même normal. Il y avait une pléiade d'hommes révolutionnaires, charismatiques et visionnaires. Il y a eu des violences et de grands problèmes entre eux, ce n'est pas infamant, nous étions un corps vivant. Oui, il y a eu des morts, c'est la Révolution. Mais je ne comprends pas les jugements de morale d'aujourd'hui.» Sur le bilan de réalisations à mettre à l'actif de sa génération, Mme Drif-Bitat constate : «On a fait un pas de géant. L'Etat a été construit, c'est aussi notre génération qui a jeté les bases et construit ce pays. Notre objectif était d'avoir et d'exercer toutes les libertés, nous avons acquis une grosse partie, réalisé la souveraineté des décisions. Et il y a encore de grands combats à mener pour la survie de notre Révolution.» Elle continue à l'adresse des nouvelles générations : «Les choses s'arrachent et chaque génération a son génie propre à elle et répond à ses rêves et difficultés avec ce génie. Je suis sûre que vous allez finir par matérialiser vos rêves.»Dynamique et l'œil pétillant, la moudjahida termine son intervention face à l'équipe de la Tribune par cette phrase : «Nous étions des militantes de base lors de la Révolution. Notre dernière mission est de transmettre des messages à la nouvelle génération.»


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