Esquisses de plans de relance économique, application des plans d'aide aux banques : les gouvernements agissent tous azimuts pour éviter de laisser la crise financière gangrener l'économie, alors que les Bourses poursuivaient hier leur fragile convalescence. Hier matin, devant le Parlement de Strasbourg, le président français Nicolas Sarkozy a plaidé pour la création en Europe de fonds souverains qui, bien coordonnés, permettraient d'«apporter une réponse industrielle à la crise» économique. De même, M. Sarkozy, président en exercice de l'Union européenne, a appelé à la création d'un «gouvernement économique clairement identifié» dans la zone euro qui pourrait épauler la Banque centrale européenne (BCE). Enfin, après que le président américain George W. Bush eut accepté d'accueillir un sommet pour étudier une refonte du système financier international, le président français a proposé une réunion des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE pour préparer ce rendez-vous. L'Europe «doit porter l'idée d'une refondation du capitalisme mondial», a-t-il déclaré, en ajoutant qu'il s'efforcera de «convaincre la Chine et l'Inde de prendre part à ce sommet» lorsqu'il se rendra à Pékin vendredi et samedi prochains. Et le chef de l'Etat français de lancer une pique aux Etats-Unis, régulièrement accusés de vivre à crédit sur le dos du reste du monde : «Peut-on continuer nous [en Europe] à porter les déficits de la première puissance mondiale sans avoir un mot à dire ? La réponse est clairement non.»
Pour la refondation du système financier mondial Dans la perspective de cette refondation du système financier mondial se tenait, hier à Paris, une réunion d'une quinzaine de pays de l'OCDE contre les paradis fiscaux, à laquelle la Suisse et le Luxembourg, adeptes du secret bancaire, ont renoncé à participer. Le ministre allemand des Finances Peer Steinbrück a affirmé que la Suisse mériterait d'être inscrite sur la «liste noire» des paradis fiscaux. Lundi dernier, le président de la Réserve fédérale Ben Bernanke avait, lui, évoqué la possibilité d'un nouveau plan de relance aux Etats-Unis, après celui de 168 milliards de dollars mis en place au printemps dernier. Une idée qui a été aussitôt validée par la Maison-Blanche. Pour le président George W. Bush, si le vent de «quasi-panique» déclenché par la crise financière semble passé, il y a «encore un long chemin à parcourir». Et le nombre de chômeurs dans le monde pourrait passer de 190 millions en 2007 à 210 millions fin 2009, selon le Bureau international du travail (BIT) : «Ce n'est pas seulement une crise de Wall Street, c'est une crise de toute la rue», a averti le directeur général du BIT, Juan Somavia. Il reste que les banques sont encore les premières concernées par les divers plans de sauvetage concoctés à travers le monde. Si le spectre d'une «catastrophe» financière mondiale «s'est éloigné», selon le gouverneur de la Banque centrale australienne, Glenn Stevens, «il subsiste un grand risque que nous connaissions d'autres accidents», a ajouté le chef économiste de la BCE, l'Allemand Jürgen Stark. Pour éviter un tel scénario, le gouvernement japonais a confirmé hier qu'il était prêt à injecter des capitaux dans les grandes banques du pays, si nécessaire. Et à cette fin, il envisagerait même de ressusciter une loi adoptée pendant la grave crise bancaire nippone des années 1990. De son côté, le gouvernement français a annoncé l'injection d'ici la fin de l'année de 10,5 milliards d'euros dans les six plus grandes banques privées afin que celles-ci puissent financer l'économie. Le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a nié que cette «recapitalisation publique» des banques françaises ait pour objet de «pallier un quelconque défaut ou une quelconque faiblesse» de ces établissements. Signe en tout cas des besoins de liquidités des banques : la BCE a encore alloué plus de 305 milliards d'euros hier lors de son opération de refinancement hebdomadaire, avec 703 établissements demandeurs. Le FMI a jugé hier que les mesures prises en Europe devraient empêcher l'aggravation de la crise, tout en jugeant qu'il y a encore des marges pour baisser les taux d'intérêt sur le continent.
Rebond modéré des marchés Quant aux Bourses mondiales, elles continuaient hier à se rétablir modérément. Soutenue par l'annonce d'un soutien de l'Etat aux banques françaises, le CAC progressait de 2,30% à Paris à 11h00 GMT. En revanche, le rebond s'essoufflait à Francfort où le Dax affichait une hausse de 0,98% seulement, ainsi qu'à Londres où le Footsie gagnait 0,95% à la même heure, après quelques incursions dans le rouge dans la matinée. En Asie, la situation était également mitigée. Si Tokyo a clôturé en hausse de 3,34%, dans le sillage de Wall Street qui s'était adjugé 4,67% lundi, Hong Kong a cédé 1,8% et Shanghai 0,78%. Bombay en revanche a gagné 4,5%. Du côté du pétrole, les cours du baril fléchissaient à nouveau hier dans la matinée, entre 71 et 74 dollars le baril, toujours très en dessous des sommets de 147 dollars atteints en juillet. Le marché doute qu'une baisse de la production de l'OPEP, qui se réunit vendredi à Vienne, suffise à enrayer la chute des prix face aux craintes de récession mondiale. Le ministre iranien du Pétrole a jugé nécessaire hier une baisse de 2 à 2,5 millions de barils par jour de la production de l'OPEP, actuellement de 28,8 mb/j. Pour son homologue qatari, le «meilleur prix» pour l'or noir se situe entre 80 et 90 dollars.
Dmitri Medvedev : «Nous payons les fautes des Etats-Unis» Le président russe, Dmitri Medvedev, a affirmé que la crise financière mondiale était due à des «fautes graves» commises «avant tout par les Etats-Unis», s'en prenant à Washington pour la deuxième fois depuis le début du mois. «Nous payons pour les fautes graves commises par certains Etats, avant tout les Etats-Unis», a déclaré M. Medvedev lors d'une conférence de presse à Erevan, à l'issue d'une rencontre avec son homologue arménien, Serge Sarkissian. «J'espère que les décisions qui ont été prises seront suffisantes, mais cela ne veut pas dire qu'on en restera là», a-t-il ajouté en allusion aux mesures prises par l'Etat russe. Touchée par la crise, Moscou a annoncé plusieurs séries de mesures pour venir en aide en particulier à son secteur bancaire, en panne de liquidités, mais aussi aux autres entreprises et à son marché boursier, en pleine déroute depuis septembre. Début octobre, le président russe avait déjà critiqué les Etats-Unis en évoquant la crise financière mondiale. «L'ère de la domination d'une économie et d'une devise a été reléguée au passé une bonne fois pour toutes», avait-il dit, appelant à «la création d'un nouveau système économico-financier plus juste, basé sur les principes de la multipolarité, la suprématie de la loi et la prise en compte des intérêts mutuels».