Et si l'Iran ne constituait aucune menace qui justifierait ce tintamarre international autour de son programme nucléaire ? Et si Israël était la réelle menace pour la paix dans le monde ? Et si cette affirmation venait d'un Prix Nobel de littérature, européen de surcroît, et allemand, cerise sur le gâteau ? Personne ne pouvait imaginer un seul moment qu'une personnalité d'une si grande notoriété internationale oserait pointer du doigt Israël. Lui l'a fait. Le tollé qu'a suscité son écrit, il s'en doutait un peu. Un doute qui ne l'empêchera pas de dire «Ce qui doit être dit». Lui c'est Günter Grass, le Prix Nobel de littérature allemand. «Ce qui doit être dit» est le texte où il livre sa vision de l'Iran et d'Israël et des vraies menaces qui guettent le monde.Qu'est-ce qui est plus dangereux, une intention d'acquérir une arme, ou celle de la savoir entre les mains d'un gouvernement fanatique ? Les intentions d'acquisition sont iraniennes et la possession est israélienne. Qui peut alors menacer la paix ? Une interrogation que se devait de poser cet illustre poète au crépuscule de sa vie. Agé de 84 ans, cet écrivain a osé l'impensable pour des Occidentaux hermétiquement fermés à tout ce qui pourrait fâcher l'Etat sioniste. Günter Grass a osé dire que la «culpabilité» occidentale envers les juifs ne devrait pas l'empêcher de voir le danger que l'Etat sioniste représente pour la paix dans le monde. Ce qui doit être dit est un texte en vers, un poème, dans lequel M. Grass pointe du doigt Israël et le danger de son arme nucléaire sur la paix dans le monde. D'emblée, Günter Grass est accusé d'antisémitisme.En publiant le mercredi 4 avril son poème dans le Süddeutsche Zeitung, La Repubblica, El País et The New York Times, il ne faisait que lancer un avertissement. Exprimer une crainte. Tirer une sonnette d'alarme. Il ne soupçonnait certainement pas la levée de boucliers des «amis d'Israël» dans son pays ou en dehors de l'Allemagne. Il ne soupçonnait pas l'étendue de la campagne de dénigrement qu'allait susciter son texte. De l'«irréductible antisémite» à son passé dans la Waffen SS de l'Allemagne nazie, rien ne lui a été épargné. Une vraie guerre au nouvel ennemi public numéro 1. Et pour cause ! Il s'agit d'Israël. Le gouvernement israélien a, d'ailleurs, qualifié jeudi dernier de «honteux» et de «minable» le poème du Prix Nobel. «La honteuse comparaison de Günter Grass entre Israël et l'Iran, un régime qui nie l'Holocauste et menace d'anéantir Israël, en dit bien plus sur M. Grass que sur Israël», a estimé le Premier ministre de l'Etat sioniste. Le Prix Nobel de littérature allemand a déclaré ce même jour, jeudi, être l'objet d'une campagne pour détruire sa réputation. «En Allemagne, un pays démocratique où règne la liberté de la presse, prime une certaine uniformisation de l'opinion, et un refus d'aborder le contenu, les questions que je soulève», juge Günter Grass. «On remue de vieux clichés», poursuit-il. «Le qualificatif d'éternel antisémite» que lui a attribué un quotidien est, selon lui, «un cliché au même titre que celui du juif errant, inversé». «C'est assez blessant et ce n'est pas digne d'une presse démocratique», a-t-il ajouté. Dans ce tollé général, il n'est surtout pas question de débattre du contenu du poème, mais de «mener une campagne contre moi pour affirmer que ma réputation est écornée jusqu'à la fin des temps», estime Günter Grass dans un autre entretien à la télévision publique allemande ARD. Refusant l'étiquette antisémite, Günter Grass rappelle ses romans qui évoquent l'avenir d'Israël et son droit à l'existence. Grass, qui avait suscité un malaise en Europe en 2006, lorsqu'il avait révélé son appartenance à la Waffen SS en 1944, explique, dans son poème, s'être tu trop longtemps par crainte de «l'habituel verdict d'antisémitisme». Ses craintes se confirment mais Ce qui doit être dit a été dit par ce grand homme. L'Histoire le retiendra. G. H.