Un vieil ami de Sétif, philosophe bougon, persifleur grognard mais sage, toujours lucide sur la complexité humaine, aurait, lui, parlé de la fameuse «castration des oies». Il s'agit d'une métaphore, mieux, d'une hyperbole sétifienne qui fait ressortir jusqu'à l'absurde le surréalisme de l'affaire du diplomate algérien Hasseni, ce Dupont que la justice française persiste, dans son entêtement, à prendre pour Dupond. Fait inédit, dans ce dossier étique, le fil rouge est constitué par le témoignage bancroche et vaporeux d'un ancien passe-muraille, converti en Savonarole depuis son exil allemand. Finalement, cette histoire se révèle être une partie de poker menteur, surtout, un tragique bal de faux derches et de faux-nez. Outre le juge d'instruction qui semble avoir la foi du charbonnier et le témoin qui affirme pour mieux douter, s'est ajoutée une partie de la presse française et algérienne, écrite ou en ligne. Un tantinet légère, celle-ci a ajouté la confusion à la confusion. A la base, c'est un journal électronique français qui transforme le doute en certitude. Deux photos, publiées par ce site et montrées au témoin unique et à charge, ont en effet servi de pièce lourde à conviction. Et, partant, d'élément ayant fondé la conviction du juge d'instruction parisien Baudouin Thouvenot. En tout cas, avec la force de la preuve implacable pour mettre en examen et sous contrôle judiciaire Mohamed Ziane Hasseni, directeur du protocole et des cérémonies au ministère algérien des Affaires étrangères. Aussi, avec suffisamment de certitude pour méjuger un témoignage contradictoire, à décharge celui-là, d'un autre sycophante, qui affirme pour sa part sans jamais douter. Donc, deux témoignages, deux appréciations, en fin de compte, deux poids et deux mesures. Les photos en question ? Une de Mohamed Ziane Hasseni prise en novembre 2006. La seconde, censée représenter Rachid Hassani, ex-capitaine de la défunte DGPS et commanditaire présumé de l'assassinat de l'avocat français André-Ali Mécili, ancienne éminence grise du FFS, alors parti d'opposition à l'étranger. Et c'est là que le burlesque le dispute à l'ubuesque. Outre que les deux hommes sur les deux images se ressemblent comme un berger allemand ressemblerait à un berger malinois, il s'est avéré finalement que la deuxième photo est bel et bien celle de notre actuel ambassadeur à Belgrade, M. Abdelkader Mezdoua, un temps éphémère intérimaire à la direction de la presse et de la communication du MAE algérien. Décidément, dans cette entreprise de confusion, les uns, des journaux, les autres, des blogueurs blagueurs, troublent l'eau claire, comme une seiche, de son encre, l'eau de mer. Dans ce cas, le journal en ligne français, en l'occurrence Médiapart, est notamment relayé par un quotidien algérien ayant pignon sur rue qui reprend à son compte la thèse confusionnelle selon laquelle, finalement, Rachid Hassani, Mohamed Ziane Hasseni et Abdelkader Mezdoua ne font qu'un… Sur ce coup-ci, c'est le roi Ubu revisité par Kafka ! Pendant ce temps-là, le témoin unique, malgré le doute persistant, sa conscience et sa crainte de Dieu, qui ne «l'autorise pas à accuser un innocent», affirme quand même, Gratis pro deo : «J'apporterai la preuve par A+B que Hassani est bel et bien impliqué dans l'assassinat de feu Mécili en avril 1987.» Bien sûr, dans son esprit, Hassani, c'est-à-dire l'ancien officier des services algériens et Hasseni, retenu contre son gré en France, ne font qu'un. Pourtant, dans cette affaire qui n'aurait jamais dû l'être, les choses sont simples comme la clarté du jour : il ne s'agit ni du même nom, ni du même prénom, ni du même âge, ni du même lieu de naissance, ni du même métier. Et pour boucler la boucle, les carrières sont différenciées et ne se sont jamais recoupées. Le jeu de confusions, basé sur le hasard de l'homonymie, sur un témoignage bancal et sur une conviction intégriste, confine à l'absurde. Mais, à n'en pas douter, il sert bien, des deux côtés de la Méditerranée, des intérêts précis. Affaire à suivre… N. K.