De notre envoyé spécial à Paris Noureddine Khelassi Ça se corse pour Mohamed Ziane Hasseni, directeur du protocole et des cérémonies au ministère des Affaires étrangères. Le pire est même à craindre pour ce diplomate, livré à lui-même, face à un juge d'instruction inflexible. Un magistrat blindé de certitudes et armé d'un témoignage unique, bancal et incertain, celui d'un ex-officier supérieur des services de renseignements algériens, réfugié en Allemagne, ancien correspondant du DRS algérien auprès du BND allemand, dont on ne semble pas cerner avec clarté les motivations intimes. Son chemin de croix judiciaire s'est poursuivi lorsque la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris l'a en effet sommé d'apporter les preuves irréfragables de son innocence. C'est-à-dire de démontrer de façon indéniable qu'il est victime d'une homonymie si imparfaite soit-elle ! En outre, le diplomate, qui semble voué à boire le calice jusqu'à la lie, s'est vu signifier, le 14 novembre dernier, un rejet par la cour d'Appel de Paris d'une demande d'annulation de sa mise en examen. Au train où vont les mauvaises choses pour lui, Mohamed Ziane Hasseni serait même bon pour les assises, selon des sources judiciaires à Paris. A n'en pas douter, dans cette affaire surréaliste, le serpent de la justice française semble se mordre la queue, et la diplomatie algérienne, aphone comme jamais, traîner la sienne. Arrêté le 14 août 2008 à l'aéroport Marignane de Marseille, Mohamed Ziane Hasseni a pourtant subi les tests ADN et les analyses graphologiques le 12 novembre dernier. Vexé au plus profond de son être de devoir se soumettre à des examens jugés vexants et infamants, il avait refusé de s'y soumettre en première instance. Réaction d'orgueil épidermique, typiquement algérienne et en rien étonnante ou significative ! Ensuite, la défense a apporté tous les documents susceptibles de prouver la véritable identité du diplomate. Surtout de démontrer que son inculpation repose sur une homonymie partielle, c'est-à-dire sur une confusion entre Mohamed Ziane Hasseni et Rachid Ziane Hassani, ancien capitaine de l'ex-Sécurité militaire (SM), devenue DGPS, Délégation générale à la prévention et à la sécurité, créée au mois de mai 1987. Ses avocats ont donc présenté au juge français Baudoin Thouvenot le livret de famille de ses parents délivré par l'administration coloniale française, un extrait de naissance dûment établi sur la base des registres de l'état civil colonial et le livret militaire attestant de son grade d'officier de réserve des forces navales algériennes, effectué au début des années 80. La chambre d'instruction, qui n'a pas livré son opinion sur les résultats des tests ADN et graphologiques, ne semble pas avoir été convaincue par les documents présentés. En tout cas, elle a jugé qu'ils ne constituaient même pas un début de preuve de l'innocence de Mohamed Ziane Hasseni. Dans ce dossier où Kafka et Ubu jouent les premiers rôles, le scénario cauchemardesque a commencé avec un mandat d'arrêt dont le libellé comporte des vices de forme flagrants. Le document en question ne fournit pas le nom précis de la personne recherchée, à savoir Hassani ou Hasseni, tout comme il pointe un lieu de naissance qui n'est pas celui du diplomate. Or, on sait avec certitude que l'ancien capitaine Rachid Ziane Hassani est né, lui, à Oum El Bouaghi, ex-Camp Robert, dans l'Est algérien, tandis que Mohamed Ziane Hasseni est natif du Sud algérien. L'ancien capitaine du DRS Hichem Abboud, qui connait aussi bien le capitaine Rachid Ziane Hassani, originaire comme lui de la région d'Oum El Bouaghi, que Mohamed Ziane Hasseni qu'il a connu lorsqu'il était lui-même journaliste sportif en Algérie, en a déjà témoigné devant le juge Baudoin Thouvenot. Or, ce dernier n'a pas pris en compte son propre témoignage, préférant celui de l'ancien colonel du DRS, Mohamed Samraoui, dit Lahbib. Témoignage bancal Le moins que l'on puisse dire, c'est que le témoignage de l'ancien résident des services algériens en Allemagne est bancroche. Il a été établi initialement sur la base d'une photo ne représentant même pas Mohamed Ziane Hasseni mais plutôt un autre diplomate algérien, actuellement ambassadeur d'Algérie à Belgrade. Ce représentant de l'Algérie en Serbie-Monténégro a travaillé par ailleurs avec Mohamed Ziane Hasseni au protocole du ministère algérien des Affaires étrangères. D'où peut-être la confusion qui se nourrit aussi de vagues ressemblances physiques entre les deux diplomates. La photo en question, diffusée par le journal en ligne français Médiapart, le représente à l'aéroport d'Alger, à l'accueil d'une délégation européenne alors qu'il était en poste au ministère algérien des Affaires étrangères. Le même témoignage, pris en compte comme infaillible, a été retenu sur la base d'affirmations de Mohamed Samraoui, interrogé alors par la chaîne française FR3 qui lui a montré à l'occasion une photo de profil de Mohamed Ziane Hasseni. Malgré des doutes personnels et ceux du journaliste de FR3, franchement dubitatif, l'ex-colonel Lahbib a maintenu son témoignage. Il faut dire aussi que Mohamed Samraoui, qui occupait au moment de l'assassinat de l'avocat français Ali André Mécili de très hautes fonctions dans les services algériens, a rencontré le juge Baudoin Thouvenot en 2003 en Allemagne. On ignore jusqu'à présent la teneur des entretiens des deux hommes. A-t-il alors été notamment question de l'affaire Mécili ? On se demande aussi pourquoi le juge Baudoin Thouvenot a négligé le témoignage de l'ancien capitaine Hichem Abboud dont Mohamed Samraoui est un ancien camarade de promotion de l'EFOR de Blida, première école de formation d'élèves officiers de réserve en Algérie ? Pourtant, Hichem Abboud a été lui aussi aux avant-postes dans les services algériens, pour avoir été notamment chef de cabinet d'un ancien patron de la DGPS algérienne. Le témoignage de Hichem Abboud serait d'autant plus intéressant pour la justice française que l'homme connaît à la fois le témoin Samraoui, le mis en examen Mohamed Ziane Hasseni et le commanditaire présumé de l'assassinat de l'avocat Mécili, Rachid Ziane Hassani, capitaine de l'ex-SM en 1987. Le témoignage de Hichem Abboud, s'il était retenu par le juge d'instruction, pourrait éclairer aussi les carrières professionnelles de Mohamed Ziane Hasseni et de Rachid Ziane Hassani. Si l'ex-capitaine a fait toute sa carrière au sein de l'ex-SM, devenue DGPS avant de s'appeler DRS, Mohamed Ziane Hasseni a, en revanche, suivi la sienne au sein de la diplomatie algérienne après un bref passage au protocole de la présidence de la République algérienne au milieu des années 80. En effet, après des études d'économie à l'université d'Alger, au début des années 70, où il eut notamment comme camarade de promotion Abdelaziz Rahabi, ancien ambassadeur, ex-ministre de la Communication, le futur directeur du protocole du ministère des Affaires étrangères a effectué son service militaire au sein de la marine militaire sous le commandement d'un certain Noureddine Benkortebi qui deviendra plus tard directeur du protocole et de la sécurité présidentielle sous le président Chadli Bendjedid. Appréciant les qualités humaines et professionnelles de Mohamed Ziane Hasseni, qui avait d'autre part travaillé pour une entreprise économique publique, Noureddine Benkortebi, qui accédera alors au grade de général, l'affectera auprès de ses services à la présidence de la République algérienne. Par la suite, le diplomate rejoindra le protocole du ministère des Affaires étrangères où il a gravi les échelons de la direction du protocole pour en devenir le premier responsable durant les années 90 du siècle dernier. A l'innocent de prouver son innocence ! Chose inouïe, la justice française demande aujourd'hui à Mohamed Ziane Hasseni de prouver lui-même son innocence autrement que par la présentation de documents d'identité dûment établis. Or, à ce propos, le juge semble penser qu'il serait en présence de vraies fausses pièces qui auraient été fournies par des services compétents soucieux de lui établir une légende. Mais, diantre, pourquoi les services algériens, qui n'ont pas la réputation d'être des manchots ou des pieds-nickelés, se seraient-ils fourvoyés dans un tel degré d'amateurisme, au point de créer pour le diplomate une légende oiseuse reposant sur une homonymie approximative ? La question, que le juge Baudoin Thouvenot doit en principe se poser à ce propos, vaut bien son pesant de dinars algériens démonétisés ou sa poignée d'euros forts. Mohamed Ziane Hasseni, dont l'intérêt serait que l'enquête se poursuive, a, lui, beaucoup à gagner à demander une confrontation directe avec l'ex-colonel Mohamed Samraoui. Ce serait également à son avantage de demander ensuite une autre confrontation entre Samraoui et l'ancien capitaine Hichem Abboud, résidant en France et bien disposé à la manifestation de la vérité. Et, dans une troisième étape, une confrontation entre les trois hommes. La justice française y gagnerait aussi. Surtout beaucoup en termes de crédibilité. In fine, l'affaire Hasseni révèle, du côté algérien, un embarras diplomatique qui n'a jamais voulu dire son nom. Et, du côté français, de sombres histoires de règlement de comptes avec une garde des Sceaux qui ne cesse d'être sur la sellette depuis sa nomination place Vendôme. Secret de Polichinelle, cette dame, proche de l'homme le plus puissant de France, est vouée depuis sa nomination aux gémonies de la confrérie des magistrats français. Ces bien-pensants ont juré sa perte, jugeant que la corde du pendu qu'elle a elle-même tressée n'était pas encore suffisante pour la pendre haut et court. Plus significative encore, la position algérienne interpelle davantage que l'attitude de magistrats français qui veulent rendre gorge à un ministre de tutelle dont la férule et les méthodes sont jugées pour le moins outrecuidantes. Si l'on devait comprendre que le chef de l'Etat algérien puisse faire confiance à la justice française, convaincu qu'il est qu'il y a en France un temps pour la politique et un autre pour la justice, et si, en même temps, qu'il ne veuille pas provoquer une tempête politique pour aider à s'en sortir par le haut dans cette affaire, on comprend moins la léthargie de la diplomatie algérienne, particulièrement aphone, atone et paralysée. Comment le comprendrait-on alors que, par ailleurs, l'arrestation en France de la Rwandaise Rose Kabuye a provoqué une réaction vigoureuse de l'Etat rwandais. C'est ainsi qu'une condamnation ferme de cette arrestation a été faite au Rwanda, qui a estimé que cet acte portait atteinte à sa souveraineté, qui a prévenu par la même occasion qu'il ne manquerait pas d'avoir des répercussions fâcheuses sur les relations franco-rwandaises. En outre, des manifestations de solidarité ont été organisées au Rwanda et des mandats d'arrêt contre des responsables français présumés impliqués dans le génocide rwandais vont être lancés. Faut-il rappeler que le Rwanda n'a pas le PIB de l'Algérie, pas plus qu'il ne dispose de ses ressources pétrolières et gazières.