L'opération hadj 2008 est un véritable casse-tête pour le directeur de l'agence de voyage «Medna» établie à Ghardaïa. Installé dans son bureau en plein centre-ville du chef-lieu de wilaya, M. Kouader Bachir a toutes les peines du monde à expliquer les formalités du hadj à un interlocuteur au téléphone. «El hadj, il vaut mieux passer directement à l'agence. On pourra discuter plus à l'aise», répond-il au client potentiel. M. Kouader paraît inquiet et contrarié. La cause, selon lui, réside dans les décisions prises par l'Office national du hadj et de la omra à l'encontre de son agence. «Je ne comprends pas ces décisions», déplore-t-il. Pour avoir un aperçu des préoccupations du voyagiste, il faut savoir que l'agence «Medna» est agréée pour organiser des séjours hadj depuis 2006. «Après quatre années de soumission non concluantes, en 2006 nous avons réussi à avoir l'agrément pour la prise en charge de 500 pèlerins dans la formule du passeport international», se rappelle M. Kouader. Une situation arrangeant bien notre interlocuteur qui met en évidence le caractère spécifique de la wilaya. «Ghardaïa est une région particulière. Deux communautés pratiquant deux rites musulmans se côtoient (malékites et ibadites). Avec les 500 passeports internationaux et dans un souci d'équité, on divisait les places à parts égales, soit 250 pour chaque communauté. Le voyage à bord du même avion contribuait au rapprochement entre les deux confréries», poursuit M Kouader. Mais cette année, «malgré les événements de mars [émeutes de Berriane], on a sous-estimé l'importance de cette opération [hadj]. Non seulement on nous a substitué la prise en charge en passeport international pour le passeport hadj, mais en plus on a réduit notre quota de 500 à 250 places [notons qu'il y a une deuxième agence qui prend en charge la différence]», conteste le directeur de «Medna» qui affirme avoir soumissionné cette année encore pour le passeport international. «Lors de la séance d'ouverture des plis pour le hadj de l'année dernière, une opération organisée dans la transparence totale, nous avons été classés comme troisième agence sur le territoire national. On a fait beaucoup d'efforts. On a même eu des diplômes d'honneur et de félicitation des autorités saoudiennes. Et nous sommes la seule agence qui a fait un pécule rendu de 810 rials (plus de 16 200 DA) par hadji. Je ne comprends pas pourquoi cette année on est classés 12es et pourquoi on nous a enlevé du passeport international ?» s'interroge-t-il. Quelles sont les répercussions d'une telle décision sur l'agence de voyages ? est-on tenté de demander. «L'augmentation des tarifs du hadj 2008 et la catastrophe naturelle qui a frappé Ghardaïa début octobre ont fait que les clients sont rares. Pour l'heure, nous avons 62 inscrits seulement sur les 250. Avec le passeport hadj, on ne peut pas compenser la différence. On est obligés de se rabattre sur les régions d'Illizi et de Djanet pour équilibrer», explique M. Kouader dont l'agence prend en charge les wilayas de Ghardaïa, de Ouargla, d'El Bayed, d'Adrar, de Tamanrasset et d'Illizi. Mais les problèmes de l'agence «Medna» ne s'arrêtent pas là. Son directeur dénonce certaines décisions émanant de l'Office national du hadj et de la omra. En ligne de mire, le voyagiste qualifie d'inadapté le prix fixé par l'organisme quant à l'hébergement des hadjis. «L'Etat propose l'hébergement à la Mecque à 5 150 rials, soit 103 000 DA [l'hébergement à Médine étant beaucoup moins cher : 1 150 rials, soit 23 000 DA le lit]. Le retard enregistré dans la délivrance des agréments a été pénalisant pour nous. Le prix de l'hôtel que nous avons choisi est de 5 800 rials [116 000 DA]. La différence est payée par notre, agence soit 650 rials [13 000 DA] par lit», poursuit notre interlocuteur qui explique que, d'un côté, les citoyens refusent de régler la différence et, de l'autre, l'agence a une réputation à sauvegarder. «L'hôtel se situe à moins de 700 m des sites. Nous refusons de mettre nos pèlerins dans des chambres de 5, 6 ou 7 lits. En plus, nous offrons une prise en charge totale avec restauration. En tout, la formule hadj proposée cette année par l'agence «Medna» coûte 35,8 millions DA contre 46 millions pour certaines agences dans le Nord. Malgré cela, on trouve beaucoup de difficultés à vendre nos places», déplore M. Kouader. En tout, et par rapport au prix établi par l'Office national du hadj et de la omra, l'agence devra donc supporter, si on se fie aux déclarations de M. Kouader, une différence de 693 rials, soit 13 860 DA par pèlerin. Si, pour les tarifs d'Air Algérie, le directeur d'agence se dit satisfait, un autre problème vient se greffer sur d'autres. Il s'agit des guides qui doivent accompagner les délégations. «L'Etat a fixé trois guides pour 250 hadjs, ce n'est pas suffisant. Nous en avons ajouté deux autres pour une prise en charge plus efficace. Et cela n'est pas sans frais», informe notre interlocuteur. «Nous avons posé tous ces problèmes au directeur de l'Office national du hadj lors de la réunion du 22 juillet dernier. Nous n'avons reçu aucune réponse de la part des responsables. Et le directeur ne trouve pas mieux que de me dire : aidez-nous pour cette fois et on réglera cela l'année prochaine. Mais ce que semble oublier ce responsable, c'est que nous sommes une agence de voyages privée. On ne peut pas se permettre des déficits aussi importants. C'est notre avenir et celui de 9 employés qui est en jeu», se désole M. Kouader. Pour conclure, ce dernier pose une série de questions : «Pourquoi nous a-t-on éliminés du passeport international ? Sur quels critères et quels barèmes a-t-on classé les agences devant participer au hadj 2008 ? A qui doit-on s'adresser pour être écoutés ?»