De notre correspondant à Constantine A. Lemili Quels que soient les voies et moyens pour leur établissement, des statistiques officielles laissent entendre que chaque année près de 8 000 nouveaux cas de cancer sont répertoriés en Algérie. Les chiffres fournis par l'Institut national de la santé publique sont plus effarants encore en raison des détails qu'ils fournissent sur un fléau que l'Etat ne semble prendre en charge que dans l'intention et à travers des déclarations de bonnes intentions. Selon l'INSP, 14,77 cigarettes sont fumées par jour, cette consommation moyenne se répartissant chez les femmes à hauteur de 9,91 et 14,86. Ni dans l'une ni dans l'autre des deux catégories n'est exclu le sevrage sauf qu'il intervient plus tardivement chez la femme (37, 60 ans comparativement à l'homme (36, 30 ans). Bien entendu, ces moyennes varient en fonction du fumeur et la cigarette est plus implantée en milieu rural qu'urbain et légèrement moins «populaire» dans le sud du pays. S'il y a sevrage et c'est heureux, il y aussi ce pic de consommation. Paradoxalement ce pic est nettement présent dans une tranche d'âge inattendu à savoir les 65/70 ans, plus observé en milieu rural qu'urbain, phénomène non expliqué sociologiquement. Le passage de la consommation du tabac avec fumée à celui sans fumée ne règle malheureusement pas tout, pis, les dégâts causés par inhalation régulière par des non-fumeurs sont aussi désastreux que gratuitement imposés. En début d'année, le ministre de la Santé, de la Population et la Réforme hospitalière concédait que toutes les mesures prises jusque-là contre le tabagisme n'avaient pas répondu aux attentes. La France faisait appliquer de la manière la plus drastique la mesure identique d'interdiction de fumer dans les lieux publics à partir de janvier 2008 et y parvenait malgré le tollé soulevé plus par les commerçants (bureaux de tabac, restaurants, cafés, bars, etc.) et les fumeurs eux-mêmes. Cette interdiction de fumer dans les lieux publics a, comble de l'ironie, en Algérie, fait l'objet d'un texte réglementaire dit de loi antitabac, en 2000, pour les résultats que tout le monde connaît : l'industrie du tabac est hyperflorissante malgré le non-respect des sociétés de production des normes OMS (taux de nicotine et de goudron largement dépassés), les dommages inestimables causés directement et indirectement à la population laminée par 15 000 décès/an, selon une étude du Semep Sétif à cause des maladies respiratoires et cardio-vasculaires, des cancers, maladies oculaires, etc. En annonçant la promulgation prochaine de nouvelles mesures d'interdiction, A. Tou ne fait qu'ajouter une batterie de dispositions et on semble s'acheminer vers un semblant d'arsenal réglementaire sans conséquence réelle sur les méfaits du tabagisme. Le seul moyen de l'endiguer demeure, au-delà de l'interdiction de fumer dans les lieux public, une sanction économique aussi bien à l'endroit des producteurs par une fiscalité plus contraignante qu'à celui des fumeurs en raison de la répercussion de ces mesures fiscales sur le coût du paquet à l'achat. Quitte à le répéter à chaque fois, il faudrait également une volonté politique inébranlable pour y parvenir. Ce qui, au demeurant, semble s'apparenter à un vœu pieux sachant qu'un membre du gouvernement n'a pas hésité et n'hésite toujours pas à affirmer que «tout vendeur de cigarettes est réputé occuper un emploi». Plus grave encore, lors du dernier recensement général (avril 2008), les directives discrètes de certaines directions de l'ONS aux recenseurs (dont une grande partie est restée réfractaire à l'oukase) étaient de «comptabiliser parmi les familles visitées les vendeurs de cigarettes comme de potentiels travailleurs».C'est dire que c'est cette volonté politique qui fait justement défaut même si «FUMER TUE».