Depuis vendredi dernier, les soirées de la ville de Béchar se vivent aux rythmes des karkabous et du gumbri. La 6e édition du Festival national de musique diwane qu'accueille la ville fait l'événement. Pour le troisième soir de la compétition officielle de ce festival tant attendu par la population et les troupes amatrices de diwane, la scène dressée au stade Ennasr, seul espace pouvant contenir le monde que draine le festival, a accueilli deux troupes venues concourir pour le grand prix.22h, le public, très fidèle au festival, est déjà sur place. En attendant le début du concert, les jeunes s'éclatent avec la musique d'ambiance diffusée justement pour les faire patienter. Avec le changement de climat, la chaleur suffocante des soirées précédentes a laissé place à une agréable fraîcheur. Les premiers à rejoindre la scène sont les musiciens de la troupe Gnawa d'El Bayadh. Très jeunes, les membres de cette formation créée en 2004 peinent à attirer l'attention du public. Avec le gumbri et les karkabous comme instruments majeurs, les musiciens entament leur prestation avec les titres Sideriou et Baba Daoui. Pas très à l'aise face à la foule, les jeunes musiciens, qui avaient l'air fatigués, tentent tant bien que mal de s'imposer, mais leur manque d'enthousiasme et d'énergie joue en leur défaveur. Leur jeu est mou et lent, ce qui reflète leur manque de pratique. Mais les spectateurs qui, à l'exception des initiés, réagissent au rythme et décibels, se laisseront emporter par les morceaux Baba Bouderbala et Banéa. L'interprétation des musiciens demeure toutefois très faible. Dans le public, les filles de maâlem Behaz, qui sont aussi membres de la troupe diwane de Blida (troupe inscrite en compétition et qui s'est produite la veille), accompagnent le chanteur de Gnawa d'El Bayadh sur le titre Banéa. La prestation du chœur improvisé ne passera pas inaperçue et sera vite renforcée par les spectateurs qui étaient à proximité des chanteuses et qui feront chorus. On peut dire que l'ambiance été plus présente au bas de la scène que dessus. Après cette entrée plutôt timide, ce sera au tour des artistes de la troupe de diwane Sidi B'lel de Relizane de monter sur scène pour faire voir de quoi ils étaient capables. Vêtus de jabadors (longues tuniques et larges pantalons) noirs, les artistes de cette formation chauffent la foule avec une intro bien dosée. Le joueur de gumbri est tout simplement excellent. Très vite, le public est conquit et se met à danser. Les musiciens interpréteront entre autres Sayou, Bouderbala et Banéa, titres qu'ils ont retravaillés et accommodés à leur sauce. La foule les acclame et chante en chœur avec eux. Sur la scène, les cinq percussionnistes du groupe nous offre un véritable show de danse gnawie. Les pas sont précis et les mouvements relativement bien harmonisés. Le résultat est un pur régal pour les yeux et les oreilles. Sidi B'lel de Relizane est chaleureusement applaudi par les spectateurs et nombreux connaisseurs parmi le public. Il faut dire que les gens de Béchar, un des berceaux du diwane en Algérie, sont en terrain connu et savent apprécier une bonne prestation. Pour la deuxième partie de la soirée, les organisateurs ont convié la troupe lauréate du 3e prix de l'édition précédente, à savoir Ouled Sidna B'lel de Tindouf. Composée de très jeunes percussionnistes et d'un remarquable joueur de gumbri, la troupe a tout simplement enflammé le stade Ennasr. Vêtus de tenues blanches, les artistes offriront à Béchar une veillée de rêve où le diwane devient maître des lieux. Très à l'aise sur scène et bourrés de talent, les membres de cette formation âgée de quelques années seulement ont carrément subjugué le public qui a eu du mal à se retenir de danser. Héritage ancestral transmis depuis des générations, le diwane, aujourd'hui, a besoin d'une véritable prise en charge, prise en charge qui passe par la formation d'une relève. A l'exemple de l'Ahellil du Gourara, le diwane est un art dont la classification comme patrimoine immatériel est de l'ordre de l'urgence. Plusieurs fois souligné par ses pratiquants, adeptes et protecteurs, les textes de diwane ont non seulement besoin d'être préservés mais aussi d'être retranscrits pour être transmis et traduits afin de pouvoir servir de base d'étude et de recherche aux spécialistes, tant Algériens qu'étrangers. La constitution d'une base de données est primordiale, soutiennent les défenseurs de ce patrimoine. Source de fascination pour le non-initié et le néophyte, l'authentique diwane risque de nos jours de se perdre face aux nombres croissants de troupes qui prétendent faire du diwane mais qui, en fait, n'en prennent que le côté festif faisant de cet art une nouvelle tendance artistique.