«C'est 150 DA le jour ou la nuit et 3500 DA l'abonnement mensuel. Si c'est l'abonnement mensuel que vous demandez, ce ne sera pas possible pour le moment. Vous devriez attendre quelques jours, peut-être même quelques mois, pour qu'une place se libère. C'est complet» a affirmé un employé d'un parking, situé sur une ruelle très fréquentée par les habitants et les résidants de la rue Larbi-Ben M'hidi au cœur d'Alger-Centre. C'est au lieudit Cadix. Des voitures arrivent en file indienne dans ce lieu de stationnement connu de tous. D'autres prennent une direction opposée. A longueur de journée et parfois même de nuit, l'endroit est animé. A ce point précis, les embouteillages et les perturbations à la circulation automobile n'en finissent pas. Combien de fois, des bagarres se déclarent-elles entre des automobilistes et parfois même entre des automobilistes et des citoyens. «C'est normal. Des voitures passent à l'intérieur, d'autres sortent… en plus des automobilistes et autres citoyens qui viennent pour des renseignements», explique l'homme, ayant à son actif plusieurs années au même poste. «Ça gène trop la circulation automobile», se plaignent d'autres. Notre interlocuteur reconnaît que les prix affichés sont élevés, mais il relève un constat qui justifie presque cet engouement : «Ce ne sont pas des petits fonctionnaires qui achètent ce genre de voitures et les garent ici… S'ils s'engagent de la sorte, c'est qu'ils ont l'argent pour faire face aux dépenses.» Autrement dit, la plupart des clients sont des gens aisés ou des affairistes. Le parking ne dispose pas d'un espace pour la mécanique et/ou le lavage. Ce n'est pas nécessaire, pensent des citoyens. «Sans ça, il est déjà saturé… », a observé un abonné. Comme quoi c'est le site lui-même qui attire les clients. Un autre parking, à quelque cent mètres plus haut, affiche un prix de 100 DA le stationnement du jour et 2 800 DA le mois. Nettement moins cher que le premier, mieux organisé et plus aéré. En plus, il y a un petit espace pour le lavage et un autre pour tout ce qui est mécanique. Le client n'a pas à se déplacer ailleurs, dans les ruelles étroites et complexes d'Alger pour d'éventuelles pannes. L'endroit n'est pas facile à atteindre ; c'est une montée de plusieurs mètres ou de plusieurs marches d'escaliers à partir de la rue Ben M'hidi mais les services disponibles attirent les automobilistes parmi les habitants du quartier et les travailleurs des entreprises environnantes. Pour preuve, ce parking est aussi complet. «Pour le moment, il n'y a pas de place. Il fallait prévenir bien avant. Cela dit, patientez quelques jours, peut-être qu'un abandonné laissera sa place pour les vacances». Au parking de Tafourah, l'accès à l'intérieur est encore plus difficile. Le panneau indiquant «Parking complet» est visible de loin. Un agent de sécurité suit le flux des véhicules mais trouve du mal à le gérer. Partout à Alger, il est difficile de trouver un endroit sûr pour un prix abordable dans un site facilement accessible. «Je la gare près de la maison. Des jeunes surveillent la nuit», affirme un propriétaire d'un véhicule qui n'est pas neuf mais pas très ancien, non plus. «Je prends des risques, c'est une évidence mais ai-je vraiment le choix ? C'est trop cher les parkings soi-disant organisés. De toutes les façons, même si j'ai avec quoi payer, il n'y a pas de place. C'est constamment saturé. L'Etat ne fait rien pour changer les choses. Ils ne construisent pas, ils ne régulent pas le marché, ils ne fixent pas les tarifs… C'est l'anarchie totale», poursuit notre interlocuteur. Anarchie totale, c'est le cas en ce qui concerne la création et la gestion de ces parkings qui portent bien leur nom : «Parkings sauvages». Officiellement, ils ne sont pas reconnus par les pouvoirs publics. Officieusement, ils sont reconnus par tous, à commencer par les services de police dont les éléments (agents) sont souvent «copains» avec les maîtres des lieux. Une protection assurée pour ces jeunes désœuvrés. Et il n'y a pas que les jeunes. «Je travaille pour nourrir mes enfants», affirme un homme, la soixantaine, peut être plus. «Les gens ne sont pas disciplinés, ils nous fatiguent», se plaint un autre, la cinquantaine, souffrant d'un handicap moteur. «Heureusement que des jeunes ont pensé à créer ces espaces et donc de l'emploi pour nous. J'étais au chômage, sans ressources pendant des années», poursuit l'homme. Pas de carte qui l'identifie comme «gardien de parking». La tenue vestimentaire est aussi ordinaire, un habit de tous les jours. «Nous n'avons pas à nous distinguer par une tenue ou un badge, les clients nous connaissent», affirme un jeune. Ce qui n'est pas toujours vrai. «Non, je ne connais personne. Je gare ma voiture et au moment de la reprendre, je lui donne 50 DA, parfois plus», affirme une femme, contrariée. Et celle-ci de poursuivre : «Je ne regarde pas le jeune comment il est. Ça ne m'intéresse pas…Là où on passe, ils se manifestent pour nous prendre notre argent. C'est incroyable. Ces jeunes n'ont pas à nous demander de payer systématiquement le prix de la place. Ce n'est pas leur terrain, c'est un terrain public. C'est donc notre terrain à tous.» Des propos tenus par de nombreux fonctionnaires qui parlent d'un «budget spécial» non pour la voiture mais pour son stationnement. «C'est trop!» lance un homme, 45 ans environ. «Comme si nous ne dépensons pas assez pour le loyer, les produits alimentaires, l'eau, l'électricité, le gaz... et autres. Où est l'Etat ?», interroge un autre avec colère. Plus grave, des cas de vols (autos-radios) et de vitres brisées sont plusieurs fois constatés dans ces espaces «protégés». Le gardien du parking n'a pas de responsabilité à assumer. «Assumer la responsabilité ? Jamais. Ils te disent qu'ils n'étaient pas là au moment du vol, qu'ils ne peuvent pas tout surveiller… et autres» rapporte une femme. Et celle-ci d'aller jusqu'à accuser ces mêmes gardiens d'en être eux-mêmes les auteurs du vol et du «saccage» du véhicule. «Ils nous font du chantage pour que nous payions plus. Une fois, j'ai refusé de payer le prix demandé, le jugeant exagéré et quand je suis revenue le soir pour récupérer la voiture, j'ai trouvé les deux rétroviseurs cassés. Et cela arrive très souvent.» Absence prolongée de l'Etat Pas de sécurité totale pour le véhicule dans ces parkings qui poussent comme des champignons sous les balcons, sans autorisation et sans aucune assise juridique. Et pas de place dans un parking soi-disant organisé, reconnu officiellement par les autorités publiques. Ces dernières qui n'ont eu de cesse d'annoncer la réalisation prochaine de nouveaux parkings, «de grands parkings» mais sans suivi réel sur le terrain. L'Etat demeure absent… plus occupé à préparer et à organiser des élections qui ne servent aucunement le citoyen. Tout va très bien Madame la Marquise. K. M.