[image] Par Eric le Boucher* La relance seule ne sauvera pas l'Union. François Hollande doit agir pour empêcher que ce rêve, qui était celui de la France, ne disparaisse pas. Si le gouvernement croit qu'une relance de la croissance européenne peut lui permettre de gagner assez de points de PIB pour stabiliser le chômage et échapper à des coupes budgétaires sacrificielles, il se trompe.Le réalisme doit le conduire à ne pas attendre beaucoup de cette trop vantée «relance européenne», du moins telle qu'il l'envisage, c'est-à-dire sans changement fédéral. Il en irait tout autrement, si la France, tournant la page de quinze ans d'euroscepticisme, redevenait la force d'entraînement de l'Union. Si, en clair, François Hollande défaisait les bottes de plomb de Chirac-Jospin, pour chausser celles, allantes, de Giscard-Mitterrand. Mais le voudra-t-il?Pour l'heure, sur la table des discussions ouvertes sur «l'Europe de la croissance», il y a sept «instruments» ou, si l'on veut, sept manières d'agir, depuis la Banque européenne d'investissement (BEI) jusqu'à la hausse des salaires en Allemagne, en passant par la baisse de l'euro. Patrick Artus a calculé, pour chacun, l'incidence potentielle sur la croissance (1). Ensuite, l'économiste-en-chef de Natixis a fait le tri des mesures qui sont probables, c'est-à-dire celles qui peuvent faire l'objet d'un compromis entre la France, l'Allemagne et les 15 autres pays de la zone euro. Hélas, il constate que les dispositifs les plus efficaces pour accélérer la croissance sont les plus improbables (abandon de la rigueur en Allemagne, baisse délibérée de l'euro...).Le résultat final est, en conséquence, chiche sinon dérisoire: l'Europe «relancée» avec toute la vapeur disponible, gagnera... 0,2 point de PIB. Tout ce tapage sur la croissance pour si peu! Rappelons que les économistes s'attendent, pour la zone euro, à une récession de -0,2% en 2012 et à un possible rebond à +0,6% en 2013. Les Grecs, les Espagnols et nous autres Français ne sommes pas sauvés.Alors? D'abord, la croissance ne repartira que des pays eux-mêmes. Ceux qui plaident, avec les Allemands, qu'il faut engager des réformes structurelles (celles capables d'élever le potentiel de croissance) ont incontestablement raison. Ensuite, il en irait autrement si, plutôt que de choisir des mesures sans effet de souffle autre que celui de l'illusion, la France retrouvait son ambition européenne historique.Trois ans et demi après le début de la crise des dettes, l'Europe est toujours incapable de prendre les décisions qui s'imposent. La «fatigue» devant cette Europe trop compliquée, trop lente, pousse les directeurs financiers des grands groupes à «sortir le cash» du vieux continent. La fuite des investisseurs asiatiques, américains ou moyen-orientaux devient alarmante. Les non-Européens n'y croient tout simplement plus. Et beaucoup de vieux militants de l'euro se découragent. De Washington, de Londres, de Pékin viennent des appels pour qu'enfin l'Europe prenne des mesures «décisives» (le mot est de David Cameron).Que peut faire la France? Constater que sa stratégie est en échec. Cette stratégie, qui a été engagée par Nicolas Sarkozy et qui est poursuivie par François Hollande, consiste à arracher des mécanismes de solidarité, un à un, à Angela Merkel. Au regard de ses victoires (deux plans d'aide à la Grèce, le Fonds de stabilité, etc.), le précédent président a cru avoir réussi. La chancelière a, en effet, beaucoup cédé. François Hollande agit de la même façon sur le sujet de «la croissance»: il pense pouvoir arracher des concessions à l'Allemagne. Et, en effet, il gagnera! Gageons que notre partenaire cédera, y compris sur les eurobonds.Mais toutes ces batailles, remportées de haute lutte, n'ont toujours pas fait gagner la guerre de la zone euro! Au contraire, la situation empire. La récession est là. Le chômage touche 11% des Européens. Le spectre des années 1930 grossit. Et le dernier volet de la stratégie française, celui de la relance, n'y changera rien. Il est temps de constater l'échec et de s'y prendre tout autrement. Il ne faut pas tirer l'Allemagne par les cheveux pour la faire avancer, (c'est un processus trop lent), mais courir devant elle. Vers où? Aujourd'hui, la destination s'impose avec évidence,: vers l'union budgétaire, vers l'union bancaire, vers l'union industrielle. Bref vers l'union fédérale. Il n'y a pas d'autre manière de rassurer les marchés et les citoyens européens eux-mêmes, que de l'expliquer aux peuples, de fixer un agenda et de débattre des modalités. Le rêve européen est en train de mourir sous nos yeux. C'était le rêve de la France, c'est à François Hollande d'agir. E. L .