[image] De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi
Très dynamique et émotionnelle était cette troisième soirée du DimaJazz, le Festival international de jazz de Constantine. Le violon magique de Didier Lockwood l'aura tout simplement voulu ainsi : maître de la scène du Théâtre pour accrocher et notamment communiquer avec le public. Le virtuose batteur Paco Sery, le bassiste side-man Linley Marthe et le guitariste Jean-Marie Ecay ont répondu en rythme aux notes du maître. vingt-huit ans après sa première prestation en Algérie dans le cadre des manifestations organisées par le Centre culturel français, ce violoniste hors pair à 34 albums n'a rien perdu de son énergie et de sa générosité artistique pour offrir au public un spectacle truffé de magie, d'innovation et d'improvisation. «Le public constantinois, et algérien en général, est connaisseur en musique. Les Algériens sont musiciens», devait-il souligner en fin de spectacle.Produisant un show jazz-rock avec une énergie incessante, l'artiste a su maintenir son monde en alerte durant l'heure de spectacle. Il a carrément cassé la barrière avec le public pour une meilleure communication. Cela s'est confirmé lorsqu'il a interprété le Trotter des violons du monde, une palette des airs de musiques du monde. Didier quittera la scène laissant juste sa boîte à rythmes soutenir sa mélodie, et ira arpenter les balcons de la salle avec son beau violon retentissant de mélodies agréables.L'interprétation très Bluesy du standard In a sentimental mood de Duke Ellington revu par ce génie violoniste sera la «blue note» de la soirée, notamment avec les enchaînements endiablés de Paco à la batterie. Le public aura aussi droit à une improvisation à la Jean Sébastien-Bach écrite dans ce style mais «tordue» comme l'a présenté l'instrumentiste. S'en dégagera alors une séquence, voire une conversation, entre Didier et Paco, ce qui a subjugué davantage les mélomanes. «Auparavant, on n'avait pas cette émotion dans la musique jazz-rock purement technique. L'ajout de l'élément émotionnel a rendu plus attrayante cette musique», explique Didier Lockwood. «Actuellement, on tend vers l'autonomie des musiciens. Cela s'acquiert par l'improvisation puisqu'elle permet à chacun de s'autonomiser et ne pas être attaché à la partition. Jouer c'est amener de nouvelles choses sans casser le lien avec le public. Quand la forme dépasse le fond, l'émotion est absente. Il faut faire de la musique pour communiquer avec les gens», ajoutera le maître violoniste. Généreux de par son émotion et «visionnaire musical», l'artiste, qui est sollicité par le ministère français de la Culture pour un projet pédagogique se basant sur l'oral musical, affirmera que «tout le monde est capable d'être un artiste puisqu'on l'est potentiellement. Il suffit de disposer des moyens». Concernant son prochain projet, le violoniste prépare un nouvel album et se consacre à la grande exploration des «violons du monde» à travers un long métrage qui le mènera vers plusieurs pays (Maghreb, Irlande, Etats-Unis, Japon,...). La première partie de la soirée a vu la production, pour la première fois à l'étranger et donc en Algérie, de la troupe Française Slio. Un sympathique plateau de pop-jazz - à mesures ternaires - gratifiera le public notamment les jeunes. La chanteuse Alejandra et son choriste Séverine Kallou ont enflammé la scène en compagnie d'une complice à la batterie, Julie Saury. «On est parti sur un projet jazz mais on a tendu vers la soul-pop», indiqueront-elles. Slio interprétera «Héritage», «Riposte», «Change», «Frankie», «Sometimes»,… Et tous ces opus trouveront bon récepteur. Cerise sur le gâteau, le duo s'est adonné à un riff acapella en hommage à Whitney Houston. Encore à la recherche de sa place sur la scène internationale et même en France, le groupe dont le compositeur est le pianiste Mathieu Dersy s'est félicité d'avoir réussi cette entrée via le DimaJazz. «Notre musique est surtout écoutée dans les pays anglophones, qui aiment cette tendance soul. Elle est en fait téléchargée», dira le compositeur qui renvoie le choix de la langue anglaise - pour un groupe français - dans l'écriture des textes à l'exigence de la musique soul qui supporte mieux l'accent anglais à d'autres langues. «La soul a été inventée par les américains et les anglophones. Du coup, les mélodies existent grâce à cet accent anglais et exigent un accent tonique qu'on ne peut pas utiliser en Français», expliquera Mathieu Dersy. Pour un premier passage, Slio a laissé bonne impression avec ce pop-jazz assez groove.