Moscou et Pékin ont voté au Conseil de sécurité contre une résolution occidentale menaçant la Syrie de sanctions, et ce pour la troisième fois depuis mars 2011. Ce veto remet en question la médiation de Kofi Annan et la mission des observateurs onusiens. M. Annan s'est dit d'ailleurs «déçu de constater qu'à ce moment crucial le Conseil n'a pu s'unir afin d'agir de manière ferme et concertée». La Maison-Blanche a jugé «extrêmement regrettable» ce double veto, estimant qu'il signifiait que la mission d'observation de l'ONU «ne peut pas se poursuivre». Les Américains n'hésitent pas à déplorer l'échec du Conseil de sécurité à trouver une solution pour la Russie. Un échec toutefois qui n'est pas propre au dossier syrien. Le même blocage est opéré par les Américains eux-mêmes, chaque fois qu'il a été question de sanctionner Israël pour ses multiples agressions sur les territoires palestiniens occupés. L'ONU a, toutefois décidé, pour le cas syrien, d'envoyer à Damas un haut responsable militaire pour la prendre en main (la mission d'observation) après le départ du général Robert Mood, en attendant une décision politique sur le sort des observateurs. Moscou a justifié sa décision en affirmant que la résolution «ouvrait la voie» à une intervention militaire en Syrie. Hier les Russes ont refusé de porter la responsabilité du blocage du dossier à l'ONU. «Les tentatives de certains pays occidentaux de faire porter à la Russie la responsabilité de l'escalade de la violence en Syrie en raison de son refus de soutenir une résolution sur la menace de sanctions contre le pouvoir syrien sont absolument inacceptables»,a déclaré Alexandre Loukachevitch, le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, lors d'une conférence de presse. Plutôt que de se livrer à de «grossières insinuations sur la politique de la Russie», prévient-il, il serait préférable que «nos partenaires occidentaux fassent au moins quelque chose pour inciter l'opposition armée à s'engager sur la voie d'un règlement politique». «Il n'y a qu'une issue», le plan sur une transition politique de l'émissaire international Kofi Annan et les accords de Genève du 30 juin. L'Union européenne envisage, quand à elle, de renforcer les sanctions contre la Syrie. Sur le terrain, les affrontements se poursuivent. L'armée régulière a repris de nombreux quartiers dont les rebelles avaient annoncé la prise après l'attentat de mercredi. L'armée a lancé hier une contre-offensive pour reprendre plusieurs quartiers rebelles de Damas, au lendemain de succès des insurgés aux frontières turque et irakienne, et de violences ayant fait plus de 300 morts, le plus lourd bilan en 16 mois de conflit. Le chef de la Sécurité nationale en Syrie, Hicham Ikhtiar, a succombé hier, à ses blessures après l'attentat de Damas survenu mercredi, dans lequel ont péri trois autres hauts responsables sécuritaires, a annoncé la Télévision d'Etat. Face à cette situation de plus en plus embourbée, jusqu'à 30 000 Syriens ont fui au Liban durant les dernières 48 heures, a déclaré, hier, à Genève la porte-parole du Haut-commissariat aux réfugiés de l'ONU lors d'un point presse. «Des milliers de Syriens ont traversé la frontière du Liban hier. Selon les informations, ils sont entre 8 500 à 30 000 qui ont passé cette frontière au cours des dernières 48 heures», a-t-elle déclaré. «Les Syriens fuient aussi vers la Turquie, la Jordanie, l'Irak, mais il y a un véritable exode vers le Liban», a-t-elle ajouté. Durant la seule journée de jeudi, plus de 300 personnes, en majorité des civils, ont péri en Syrie, soit le bilan le plus lourd en 16 mois de crise selon un décompte de l'ONG Observatoire syrien des droits de l'Homme (Osdh) publié hier. Le Haut-commissaire de l'ONU en charge des réfugiés, Antonio Guterres, a une nouvelle fois fait part hier de sa «grande inquiétude devant le nombre de personnes qui ont fui leurs foyers en Syrie» en raison des violences. «Avec la propagation de la violence mortelle, je suis très gravement préoccupé par les milliers de civils syriens et de réfugiés qui ont été forcés de fuir leurs foyers», a déclaré M. Guterres, cité par le communiqué du HCR. Le HCR s'est déclaré dans l'incapacité, hier, de donner un chiffre précis du nombre de personnes déplacées en Syrie. La semaine dernière, le HCR partait d'une estimation de 1 million de personnes déplacées à l'intérieur du pays depuis l'éclatement du conflit.