L'enseignement de l'Histoire dans les écoles algériennes a toujours été, notamment après la réforme de 1976, d'inspiration idéologique et n'obéissait pas à la rigueur scientifique, aux faits et à l'analyse objective de ces derniers. C'est à ce titre que des faits historiques ont été mythifiés, déformés ou occultés et ce, en fonction des besoins politico-idéologiques de la période et du régime. A ce propos, Hassan Remaoun estime que des changements «importants» sont apparus dans les nouveaux programmes scolaires pour une meilleure mise en évidence de tout ce qui, dans l'histoire nationale, aurait précédé la date du 1er novembre 1954. Dans une étude récente sur l'enseignement de la guerre de libération dans les nouveaux manuels scolaires, intitulée «l'enseignement de la guerre de libération nationale “1954-1962”, dans les anciens et nouveaux manuels algériens d'histoire», Remaoun a remarqué que les manuels issus de la réforme (2002) comportent «plusieurs signaux qui doivent être pris en ligne de compte, telle la relativisation de deux mythes, dont celui d'“un soulèvement unanime” du peuple […] et celui de la guerre de libération comme étant d'essence paysanne». Les changements «fondamentaux» décelés dans cette étude, découlant d'une analyse comparative, entre les anciens manuels de l'école fondamentale (1976 à 2002) et les nouveaux manuels issus de la réforme initiée dès 2002, sont dus, selon l'auteur, à «l'impasse» du parti unique et aux années «sanglantes» qu'a connues l'Algérie durant la décennie 1990. Ces événements, précise M. Remaoun, ont contribué à l'émergence d'une conscience nationale, suscitée par les différentes composantes et partis politiques agissant au sein du mouvement national. «On a voulu de même présenter la guerre de libération à travers toutes ses caractéristiques, militaires et politiques», a-t-il relevé dans ce contexte. Le chercheur a également soutenu que, dans les anciens manuels scolaires d'histoire, et en dehors de la guerre de libération nationale, «la profondeur historique nationale proprement algérienne était faiblement représentée et avait tendance à être diluée dans une histoire du monde musulman centrée sur le Moyen-Orient». C'est ainsi qu'il a mis en exergue, à ce sujet, les efforts constatés dans les nouveaux manuels à centrer les leçons dans les différents paliers sur l'histoire de l'Algérie de l'antiquité berbère à l'avènement de la colonisation et la guerre de libération nationale. Tout en mettant en avant les tabous qui ont été dépassés, à la faveur des nouveaux manuels, dont la mise en supports iconographiques de photos de personnalités du mouvement national et de la guerre de libération nationale, à l'image de Messali Hadj, Abane Ramdane, Krim Belkacem, Khider et autres, l'auteur de cette étude a, néanmoins, relevé des «points d'ombre» qui, a-t-il dit, «seront clarifiés avec le temps». Quand les politiques se mêlent de l'histoire, cette dernière cesse d'être le patrimoine commun et la mémoire du peuple et devient de facto un instrument au service d'un clan, d'un groupe, d'une communauté d'intérêt. L'histoire enseignée comme un discours propagandiste sert certes une partie minoritaire de la nation mais finit toujours par provoquer des séismes, des déchirements et une atomisation sociale affaiblissant ainsi le corps compact d'hier face au colonialisme pour devenir une proie facile de toutes les manipulations, y compris le révisionnisme. A. G.