La violence urbaine ne s'est pas interrompue le temps d'un Ramadhan. Bien au contraire, motivant l'agressivité par la faim, la soif et le sevrage diurne de plusieurs dépendances, l'Algérien (ou une certaine catégorie) a laissé libre cours à son côté brutal. Ainsi, en plus de la violence routière, où les accidents de la circulation ont enregistré des records et des émeutes de l'électricité et de l'eau, les rixes quotidiennes entre bandes rivales et les agressions caractérisées contre des citoyens «normaux» ont dénaturé l'aspect religieux et spirituel de ce mois sacré. À couteaux tirés, sabres brandis des hordes de jeunes ont terrorisé leur voisinage pour un espace «informel» à squatter, un quartier à dominer ou une rente de parking à exploiter. Fin juillet, un jeune adolescent est tué «accidentellement» par un feu de signal lors d'une rixe qui a secoué les habitants de Belouizdad. Une bataille rangée entre deux groupes de jeunes a fini par excéder les voisins qui, une dizaine de jours après l'événement, ont manifesté leur colère devant le commissariat de police du quartier pour demander plus de protection et de sécurité. Est-ce un fait divers ? Certainement, mais comment peut-on appeler un fait divers qui se généralise ? Un phénomène social. Et cette violence s'est tellement banalisée qu'elle touche des secteurs et des institutions qu'on n'imaginait pas un jour devenir des cibles. Des commissariats de police pris d'assaut par des délinquants en colère après l'arrestation de leurs amis, comme cela s'est passé à Badjarrah, aux agressions physiques contre des médecins et des personnels de la santé en passant par le saccage d'établissements de la santé comme la clinique de Khemis El Khechna, rien n'a été épargné aux citoyens durant le Ramadhan 2012. Mais faut-il pour autant imputer toute cette violence au mois sacré ? Si la faim, la soif, le manque de sommeil et la privation journalière excitent les nerfs et mettent le jeûneur en état d'alerte, il n'est pas dit que la violence quasi-organisée en soit une conséquence. Les Algériens n'ont pas attendu le mois de carême pour se faire violence les uns aux autres. Simplement, toute cette agressivité est plus fatigante et usante pour les nerfs quand elle intervient en pleine période sensée être réservée à la spiritualité. S. A.