Le ministre de l'Intérieur français se réfère à la loi française qui reconnaît et protège la liberté d'expression et oublie les mêmes lois pour interdire toute manifestation de rue. «Toute manifestation qui vise à troubler l'ordre public, à provoquer, à attiser les esprits, à semer la haine, ne sera pas autorisée, sera interdite et j'ai donné consigne à l'ensemble des préfets, pour que ces interdictions se traduisent concrètement», a déclaré Manuel Valls, préjugeant de la nature des manifestations éventuelles. Pourtant, Charlie Hebdo dont le responsable estime avoir fait son travail d'informer, n'avait qu'un seul objectif en publiant les caricatures incriminées : une opération commerciale qui a d'ailleurs grandement réussi. Un million d'exemplaires épuisés. Cependant, est-ce que les lecteurs de Charlie Hebdo ont appris des choses intéressantes dans l'édition de vendredi dernier ? Charlie Hebdo voulait vendre, les lecteurs voulaient rire, les deux parties ont été satisfaites mais en ont-elles mesuré les conséquences ? Manifestement, la liberté d'expression est un fourre-tout, qu'on invoque quand elle arrange et qu'on oublie quand elle dérange. En fait, ces provocations qui se répètent en Occident, révèlent plus le désarroi de l'Occident que sa volonté de combattre le fanatisme de quelques groupuscules éparpillés dans différents pays musulmans. Au-delà du droit sacré à la liberté d'expression et la liberté de création artistique, on s'interroge sur l'utilité pédagogique de ces caricatures et de ce navet qui ont plus servi les mêmes fanatiques, que l'Occident prétend combattre, qu'ils n'ont aidé les sociétés musulmanes à se réformer, à avancer, à se démocratiser. La critique de la religion est une chose, l'insulte et le mépris des symboles d'une communauté en est une autre. D'autant plus que ces Occidentaux fanatiques savent que si tous les musulmans étaient fanatiques, au mieux, aucun Occidental n'aurait pu s'établir dans un pays musulman, au pire, on serait en pleine guerre entre l'Occident et l'Orient. En fait, le contexte de crise économique en Occident, nourrit la haine vis-à-vis de tout ce qui est différent aussi bien au plan religieux, que culturel, civilisationnel, sexuel et même racial. Si dans les pays musulmans, la montée de l'intégrisme et du fanatisme religieux s'explique par le sentiment de persécution alimenté par l'incapacité des pays musulmans à assumer les contradictions générées par les mutations structurelles qu'impose la modernité, en Occident, la peur des lendemains économiques et sociaux pouvant menacer la stabilité politique, est canalisée à dessein pour déverser la haine sur un ennemi putatif. Si les musulmans n'existaient pas, on les aurait inventés. Les fascistes en herbe ont toujours besoin d'un bouc émissaire. A. G.