Entretien réalisé par Nabila Belbachir LA TRIBUNE : Qu'est-ce qu'une infection nosocomiale ? Dr Rezgui : Une infection est dite nosocomiale ou hospitalière si elle est absente lors de l'admission du patient à l'hôpital et qu'elle se développe 48 heures au moins après. Ce délai permet de distinguer une infection d'acquisition communautaire d'une infection nosocomiale. Il est, cependant, assez artificiel et ne doit pas être appliqué sans réflexion. Pour les infections de site opératoire, on considère comme nosocomiales les infections survenant dans les 30 jours suivant l'intervention chirurgicale ou s'il y a mise en place d'un matériel étranger ou d'un implant dans l'année qui suit l'intervention. Quelles en sont les causes et qu'est-ce qui les provoque ? Pour développer une infection nosocomiale, il faut que trois éléments soient réunis : un agent infectieux, un mode de transmission et un sujet réceptif. Il existe des facteurs favorisants dont le manque d'hygiène (éventuellement faute de salles de bain ou de douches), le comportement du personnel hospitalier (qui, parfois, sous-estime le risque ou le comprend mal), ou encore la mobilité des patients (fréquemment transférés d'un établissement ou d'un service à un autre). D'ailleurs, les infections nosocomiales sont provoquées par l'agent infectieux, des bactéries, l'hôpital, le milieu favorisant (pression de sélection des bactéries), la sur-utilisation d'antibiotiques (autre facteur aggravant), des causes écologiques et comportementales, et la réceptivité du patient. C'est-à-dire … Les patients hospitalisés ont souvent –et par nature- des défenses immunitaires altérées, (diabète, insuffisance respiratoire, pathologies immunitaires, grands brûlés…), ou en raison de leur état général (les personnes dénutries ou aux âges extrêmes de la vie sont plus réceptives aux infections, en général, et nosocomiales, en particulier). Ajoutez à cela, ce qui provoque cette infection, ce sont les autres traitements et dispositifs médicaux propices aux infections à l'hôpital. Sur ce point, les traitements ou les dispositifs médicaux utilisés, comme les sondes urinaires, les sondes d'intubation, les cathéters, les drains, mais aussi les traitements par corticoïdes, antibiotiques, immunosuppresseurs... constituent un terrain propice au développement de pathologies nosocomiales. Quand peut-on parler d'infections nosocomiales ? Comme dit, on considère qu'une infection est nosocomiale si le patient n'est pas atteint lors de son arrivée à l'hôpital et qu'elle se développe 48 heures après, ou si elle apparaît 30 jours à la suite d'une intervention chirurgicale et dans l'année qui suit la pose d'une prothèse ou d'un implant. Quels sont les risques et les conséquences de ces infections ? Les infections nosocomiales ont un coût à la fois humain et économique. Elles augmentent la morbidité et la mortalité. Les infections nosocomiales les plus fréquemment responsables d'une issue fatale sont les pneumopathies, les bactériémies, les chocs septiques, les infections digestives et les infections du site opératoire. Ainsi, les maladies infectieuses, dont les deux tiers sont le fait d'une infection nosocomiale, représentent la troisième pathologie responsable de décès après les maladies cardiovasculaires et le cancer. En plus des décès, ces infections sont la cause de séquelles souvent considérables à moyen et long terme, notamment au niveau fonctionnel. Les séquelles observées dépendent largement de la zone anatomique touchée par l'infection. Les infections abdominales, ostéo-articulaires, en particulier sur les prothèses, ou encore les infections suivant un acte de neurochirurgie sont susceptibles d'entraîner les conséquences sanitaires les plus graves (changement de prothèse, amputation, etc.). De fait, une infection en chirurgie orthopédique double les risques pour le patient d'être hospitalisé une seconde fois. Et sur le plan financier …. Outre ces conséquences, le coût économique est important. Elles entraînent un surcoût financier important, essentiellement dû à un allongement de la durée d'hospitalisation (quatre jours en moyenne), au traitement anti-infectieux et aux examens de laboratoire nécessaires au diagnostic et à la surveillance de l'infection. Ce surcoût est attribuable pour les ¾ à l'accroissement de la durée de séjour, qui est en moyenne de 5 jours. La consommation d'antibiotiques représente environ 20% du coût total. Il y a lieu de signaler, par ailleurs, que les infections à bactéries multirésistantes (BMR) font peser une charge financière de plus en plus lourde sur le budget des hôpitaux. La survenue d'une infection nosocomiale à BMR induit la prescription d'antibiotiques à large spectre souvent très onéreux ; les durées de traitement sont allongées. Cela conduit à une consommation élevée d'antibiotiques et à un allongement de la durée d'hospitalisation, d'autant plus important que le traitement est problématique (insuffisance ou échec thérapeutique). Y-a-t-il des mesures de prévention au sein des hôpitaux pour éviter de telles infections ? L'hygiène hospitalière est à la base de la prévention des infections nosocomiales. Elle prend en compte l'ensemble des aspects cliniques, microbiologiques et épidémiologiques des infections mais également l'organisation des soins, la maintenance des équipements hospitaliers, la gestion de l'environnement, la protection du personnel. Elles constituent un indicateur de qualité des soins et de sécurité. Ces mesures se basent sur le lavage des mains, le port de gants, la tenue professionnelle, les isolements pour éviter toute transmission, sans omettre l'élimination des déchets et l'utilisation des antiseptiques et des désinfectants. Que pourriez-vous, en tant que spécialiste, préconiser pour lutter contre ces infections ? Je dirai tout simplement que nous tirons l'enseignement de chaque incident ; nos progrès sont considérables en la matière. Et surtout je conseille en concluant qu'il ne faut pas trop avoir peur de l'hôpital ; il y a plus de chances d'en sortir guéri que malade.