Alors que la Constitution algérienne, texte suprême du droit algérien, affirme, d'une part, que tous les Algériens «sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d'opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale» (article 29) et, d'autre part, que seul le président de la République, en sa qualité de garant de la Constitution et incarnation de l'Etat dont la religion est l'Islam, doit être de confession musulmane (article 73), voici que le bâtonnier de la wilaya de Sidi Bel Abbès, Mohamed Othmani en l'occurrence, soucieux d'apporter «son petit amendement» décide que les avocats doivent aussi être soumis au préalable religieux pour prétendre porter la robe noire. «S'il n'est pas de confession musulmane, nous rencontrons un problème car les avocats prêtent serment sur le Coran. Et s'il prête serment sur le livre sacré, et qu'en réalité il n'est pas musulman, il y a une contradiction», a-t-il ainsi expliqué au lendemain de la radiation quasi manu militari de Youcef Benbrahim, un avocat-stagiaire qui n'avait pas pris part à un rassemblement contre le film anti-islam Innocence des musulmans, organisé par ses pairs en septembre dernier. «S'il est musulman, pourquoi n'a-t-il pas rejoint le mouvement de protestation ?», a encore insisté le représentant d'une corporation dont la raison d'être est, justement, de défendre les droits de tous les humains, sans distinction de religion, d'origine ou de couleur, contre l'arbitraire d'où que celui-ci provienne.Dans une lettre adressée, jeudi dernier, au président d'Amnesty international - dont il est lui-même vice-président - Youcef Benbrahim, lui, s'insurge contre l'instrumentalisation de la religion et que «l'on soit tenu de dire quelle est notre religion pour espérer se voir accepter», écrit-il en indiquant au passage, pour souligner tout le ridicule dont s'est couvert le bâtonnier de Sidi Bel Abbès, être de confession musulmane. «Mais la loi algérienne ne lui permet en aucune manière de chercher à éclaircir la question de la religion de quiconque.» Ce qui n'est, en théorie, permis à personne, dans un Etat de droit où les libertés individuelles et collectives sont théoriquement garanties.Aurait-elle eu lieu dans un autre secteur, cette aberration n'aurait peut-être pas paru aussi grave et aurait été mise sur le compte de l'ignorance, encore qu'à un certain niveau de responsabilité et de compétence, nul n'est censé ignorer de telles évidences ; mais qu'elle soit le fait d'un bâtonnier, qui survient dans le temple même de l'exercice du droit, voilà qui constitue un sérieux (et supplémentaire) motif d'inquiétude sur la santé de la Justice en Algérie. S. O. A.