La crise enfle au sein du barreau des avocats d'Oran, organisation professionnelle en proie à des actions de contestation en cascade depuis quelque temps. Après l'action introduite par un groupe d'avocats devant le tribunal administratif d'Oran visant à désigner un commissaire aux comptes pour décortiquer la comptabilité du barreau, au lendemain d'une A.G d'approbation du bilan annuel 2010 très controversée, suivie quelques jours plus tard par une action en annulation des élections du Conseil de l'ordre du 15 janvier 2011, déclenchée par d'autres membres du barreau devant le Conseil d'Etat, c'est au tour des capacitaires de monter au créneau à travers une demande d'intervention du ministre de la Justice, garde des Sceaux. A la croisée des chemins de ces protestations se trouve le même homme, le bâtonnier de ce barreau, Maître Ouahrani El-Houari, puisque c'est lui qui est nommément cité dans toutes les requêtes précitées. Dans une lettre adressée au ministre Tayeb Belaïz, le 27 janvier 2011, signée par un «groupe d'étudiants titulaires du CAPA, promotion 2010, du département de droit, université d'Oran dont nous avons copie -, il est dénoncé un «traitement discriminatoire de la part du bâtonnier d'Oran dans l'admission des candidats à la profession d'avocat». En clair, les pétitionnaires crient à la politique des «deux poids, deux mesures» dans la démarche administrative relative à l'inscription au tableau de cet ordre. Dans l'exposé des faits, ces capacitaires, dont le nombre avoisine les 280, indiquent avoir obtenu le certificat d'aptitude professionnelle d'avocat, en juillet 2010. Ils ont par la suite pris attache avec le premier représentant du barreau pour se renseigner sur les modalités d'inscription, le dossier à fournir, la cérémonie de prestation du serment, etc. Cependant, ces frais émoulus du département de droit, après un long et non moins difficile parcours universitaire, devaient patienter encore quelques mois, car, selon eux, «le bâtonnier nous a répondu que la prestation de serment ne se fera qu'après l'ouverture de l'année judiciaire 2010-2011». «Or, paradoxalement, s'étonnent-ils, deux cérémonies de prestation de serment ont eu lieu les 1er et le 21 août 2010, sans pour autant que les postulants assermentés admis n'aient effectué la rituelle visite de courtoisie aux membres du Conseil de l'ordre conformément aux règles et aux us de la profession». «Quelle est la raison de ce privilège accordé à ce groupe de postulants (une soixantaine) ?», s'est interrogée la majorité «recalée». «Nous n'avons pu trouver comme explication à nos interrogations que l'éventualité de la faveur accordée aux majors de promotion. Or, c'était impossible de consulter les relevés de notes des postulants avantagés pour en avoir le cœur net. Finalement, il s'est avéré que le traitement de faveur ne reposait nullement sur le mérite ni sur aucun autre critère objectif. En fait, chose vérifiable, ces «chanceux» étaient soit des enfants de magistrats, des proches d'avocats ou de cadres haut placés de la wilaya. Cela nous a extrêmement déçus et même frustrés», ajoutent les postulants lésés. Ils indiquent encore qu'«après une escalade de la protestation, une nouvelle session a été ouverte, du 21 au 28 octobre 2010, pour le dépôt des dossiers, sachant que les frais d'adhésion au tableau d'ordre d'Oran s'élèvent à 51.000 DA, soit 4 fois le SNMG. Ce n'est que trois mois plus tard, le 27 janvier 2011, qu'a été affichée la décision du Conseil de l'ordre nouvellement élu, indiquant la programmation de cérémonies de prestation de serment, entre fin mars et début avril 2011, soit après la clôture du stage pour «nos pairs» favorisés. Et pourtant, nous faisons tous partie de la même promotion, nous sommes censés être égaux en tout.» Et les «victimes de cette gestion discriminatoire», pour reprendre leur qualificatif, d'interpeller vivement le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, afin de diligenter une enquête pour faire la lumière sur ces faits qui «portent indirectement atteinte à la Justice et discréditent ses institutions, notamment dans la mesure où cette manière d'agir représente une violation de l'article 29 de la Constitution nationale : «Les citoyens sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d'opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale.» Et les mêmes futurs avocats de conclure : «Etant donné que notre cas a été traité de manière discriminatoire et illégale, serons-nous vraiment des avocats un jour ? Comment un avocat qui a vu ses droits bafoués par un avocat plus ancien et plus expérimenté que lui pourra-t-il défendre les droits des citoyens ?» Contacté, le bâtonnier Me Ouahrani El Houari nous a indiqué que ces faits sont dénués de vérité, précisant que la lettre ouverte en question n'est pas rédigée par des avocats stagiaires, mais elle est l'œuvre de quelques avocats qui veulent porter atteinte à la crédibilité du Conseil et de son bâtonnier.