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L'Egypte face au dur apprentissage de la démocratie
Le décret Morsi plonge le pays dans l'ébullition
Publié dans La Tribune le 26 - 11 - 2012

L'Egypte est en pleine effervescence politique après la décision du Président Mohamed Morsi de s'arroger des pouvoirs étendus à la limite de l'acceptable. De quoi provoquer la colère de l'opposition et des magistrats qui y ont vu une dérive autoritaire absolument dangereuse en cette phase transitoire de la nouvelle Egypte. La rue s'est promptement enflammée. Des centaines de personnes ont été blessées lors de manifestations depuis la proclamation de ce décret surprise du chef de l'Etat s'appropriant de nouvelles prérogatives et le mettant à l'abri de poursuites judiciaires. Plusieurs villes égyptiennes, Alexandrie, Ismaïliya, Port Saïd et Suez sont en effervescence dénonçant le «coup d'Etat» de Morsi. Des locaux du parti des Frères musulmans ont été incendiés. Inadmissible pour les Egyptiens qui ont tant souffert de l'autoritarisme du régime déchu. Depuis, manifestations et contre-manifestations sont devenues le lot de l'Egypte. Les détracteurs de Morsi s'en donnent à cœur joie fustigeant «le nouveau Pharaon d'Egypte». Depuis février 2011, à la chute d'Hosni Moubarak, la situation n'a jamais été aussi critique, frôlant l'explosion. La désormais célèbre place Tahrir, épicentre de la révolution de 2011, est de nouveau noyée sous les gaz lacrymogènes. Une chose est sûre, les Egyptiens ne savent plus se taire ; un des acquis palpable du «printemps arabe». Les juges égyptiens, considérés comme proches de l'ancien régime, sont montés les premiers au créneau en lançant un appel à la grève des prétoires. Mohamed El Baradei, l'ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea) qui s'est jeté dans la bataille politique sous l'étiquette libérale, a traité clairement Mohamed Morsi de «dictateur». Pour une bonne partie de la scène politique égyptienne, le décret démontre les tendances autocratiques d'un «apparatchik» des Frères musulmans qui avait été jeté en prison sous l'ère Moubarak. «Il n'y a pas de place pour le dialogue lorsqu'un dictateur impose les mesures les plus oppressives et détestables qui soient», a déclaré El Baradei. Le discours des contestataires est d'une virulence extrême, inimaginable il y a peu sous l'ère Moubarak. Cependant, pour l'heure, la situation reste enchevêtrée. L'Egypte semble rentrer de nouveau dans un de ces feuilletons à rebondissements. Les opposants égyptiens s'alarment des nouveaux pouvoirs que vient de s'octroyer le leader des Frères musulmans à la tête du pays. Les deux camps en présence fourbissent leurs armes en prévision d'évolutions futures. Les contestataires ne comptent pas baisser la pression. D'un autre côté contraindre le président actuel à faire marche arrière équivaudrait à une défaite. Mohamed Morsi qui a été salué pour le rôle joué dans l'obtention d'une trêve à la guerre d'Israël contre Ghaza semble en confiance. Pour la présidence égyptienne cette «déclaration constitutionnelle» renforce les pouvoirs du raïs, face à un appareil judiciaire jugé sous influence des «restes» de l'ancien système. Le président Morsi, qui cumule pouvoirs exécutif et législatif, a limogé le procureur général d'Egypte, Abdel Meguid Mahmoud, présenté comme un vestige de l'époque Moubarak et s'est réservé le droit de nommer son successeur. Il a aussi ordonné la tenue de nouveaux procès pour les responsables de l'ancien régime impliqués dans les violences contre des opposants. Le décret devrait également empêcher la dissolution par la justice de l'Assemblée constituante et du conseil de la Choura, la Chambre haute du Parlement égyptien. Il donne à l'Assemblée constituante, forte de 100 membres et dominée par les islamistes, deux mois de plus pour rédiger la Constitution égyptienne. Un délai qui pourrait repousser au mois de février l'achèvement du processus nécessaire à la tenue de nouvelles élections législatives. D'un autre côté ce décret présidentiel, censé, selon Morsi «protéger la révolution», neutralisera une quarantaine de recours déposés pour contester non seulement la légalité de la formation de l'Assemblée constituante, mais aussi sa légitimité depuis le départ de plusieurs de ses membres. Un véritable verrou, qui ouvrirait la porte à la tentation despotique de l'actuel président, couleur Frères musulmans. Une situation inimaginable dans une Egypte, qui s'est débarrassée d'un régime totalitaire, en place durant quarante années, lors d'une révolution populaire historique. Plus que jamais l'Egypte est face au difficile apprentissage de la démocratie.
M. B.

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