Un nouveau bras de fer se profile à l'horizon entre le président égyptien et l'opposition rassemblée, en l'absence d'une véritable icône fédératrice, autour de Mohamed El-Baradei, l'ancien chef de l'agence nucléaire de l'ONU, et Amr Moussa, l'ancien chef de la Ligue arabe. Tout auréolé du rôle qu'il a joué dans la proclamation d'un cessez-le-feu entre l'Etat hébreu et les groupes armés palestiniens qui a mis fin à l'agression israélienne sur Gaza, le président égyptien Mohamed Morsi devra faire face à une nouvelle irruption de la colère de la rue de son pays qui lui reproche sa propension à une gestion autoritariste qui rappelle au commun des Egyptiens les méfaits de l'ancien régime sous Moubarak. Les militants de l'opposition au “nouveau pharaon", pour paraphraser Mohamed El-Baradei, se sont rassemblés hier dans le centre de la capitale égyptienne, dans l'emblématique place Tahrir, pour crier leur colère face aux dernières mesures prises par le président Morsi, à qui on reproche des velléités de renforcement de son pouvoir par le truchement de certaines décisions présidentielles. Mais selon toute vraisemblance, M. Morsi n'est pas près de lâcher du lest et paraît même plutôt prêt à aller plus loin dans sa politique de concentration des pouvoirs autour de la mission présidentielle. Il a d'ailleurs tenu à le faire savoir hier même, sans perdre de temps dans un langage plutôt cru. “Personne ne peut arrêter notre marche en avant (...) Je remplis mes fonctions au service de Dieu et de la nation et je prends des décisions après avoir consulté tout le monde", a-t-il répliqué, dans des propos rapportés par l'agence officielle Mena. C'est qu'il s'agit là d'un nouveau bras de fer qui se profile à l'horizon entre le président égyptien et l'opposition rassemblée, en l'absence d'une véritable icône fédératrice, autour de Mohamed El-Baradei, l'ancien chef de l'agence nucléaire de l'ONU, et Amr Moussa, l'ancien chef de la Ligue arabe. M. El-Baradei était parmi les premiers à avoir ouvert le feu sur Morsi qu'il accuse de s'être “proclamé nouveau pharaon". “C'est un coup d'Etat contre la légalité (...) Nous appelons tous les Egyptiens à protester vendredi sur toutes les places d'Egypte", clamait pour sa part Sameh Achour, chef du syndicat des avocats égyptien. “Morsi conduit le pays vers un enfer politique", selon lui. Tous trois ont reproché au président de “monopoliser les trois branches du pouvoir", et de chercher à “anéantir l'indépendance du pouvoir judiciaire". Les choses semblent avoir pris une tournure plutôt grave après l'attaque par des manifestants des sièges du Parti de la liberté et de la justice, issu des Frères musulmans, dans trois villes d'Egypte. Les locaux du PLJ ont été incendiés dans les villes de Suez, Ismaïliya et Port Saïd. Un responsable du parti islamiste a en outre indiqué que les locaux du parti avaient été pris d'assaut dans la ville d'Alexandrie, où des accrochages ont éclaté entre manifestants pro et anti-Morsi. Le président égyptien avait, la veille, révoqué le procureur général, Abdel Meguid Mahmoud, nommé du temps de Moubarak, et l'avait remplacé par Talaat Ibrahim Abdallah pour quatre ans. Mais ce qui a apparemment attisé la colère de la rue, c'est la décision prise par M. Morsi stipulant qu'aucune instance judiciaire ne pouvait dissoudre la commission chargée de rédiger la future Constitution. Il ôte ainsi le droit à la haute cour constitutionnelle d'examiner un appel contre la composition de cette commission constituante, dominée par les islamistes. Il a même étendu de deux mois le mandat de la commission, qui devait initialement prendre fin mi-décembre. Une fois achevée, la loi fondamentale doit être soumise à un référendum, et des élections législatives doivent suivre. Ces décisions visent à “nettoyer les institutions" et “détruire les infrastructures de l'ancien régime", s'est défendu le porte-parole de la présidence égyptienne, Yasser Ali. M. Morsi cumule déjà les pouvoirs exécutif et législatif – la chambre des députés ayant été dissoute en juin –, et entretient des relations tendues avec une grande partie de l'appareil judiciaire. Il avait renforcé son pouvoir en écartant en août le ministre de la Défense de l'ex-régime, Hussein Tantaoui. De quoi sera fait demain, se demandent les Egyptiens face à la tentation dictatoriale du nouveau raïs ? H S