Le mot maire provient d'un archaïsme lexical, un adjectif issu du vieux français, qui signifie littéralement «le plus grand». Dans ce contexte, «le plus grand de la ville». C'est pour cette raison qu'en arabe, on dit «cheikh él baladiya», le premier magistrat de la municipalité, le primus de la Cité. En espagnol, on dit «mayor», «maggiore» en italien et «the mayor» en anglais; dans tous les sens du terme, il provient du latin «major», donc (le) majeur de son agglomération. Mais en Algérie, où on a nos singularités, c'est, disons plus simplement, un PAPC. Il est donc président d'une assemblée populaire communale. Chez nous, on dit rarement madame ou monsieur le maire, mais le président de la commune ou de son assemblée élue. Voila pour les usages. Dans la réalité politique et administrative, les élections communales et pour le renouvellement des assemblées de wilayas se suivent et se ressemblent. Et à chaque fois, c'est morne plaine. Déjà que ces scrutins ne passionnaient pas les foules et ne suscitaient pas leurs ardeurs patriotiques. Encore plus cette année où la désaffection civique risque de tutoyer les cimes de tous les records. Le 29 novembre prochain risque en effet d'être un Waterloo électoral. Ou, plus prosaïquement, un jour plus propice encore pour aller sur les hauteurs de Tikjda, taper la belote ou dans un ballon de foot, si la météo pouvait alors être favorable. C'est sûr, quelque chose ne tourne pas rond dès qu'il s'agit de ces élections couplées, censées renouveler les assemblées populaires communales et départementales (de wilaya). Pourtant, aux yeux du législateur, elles sont, en théorie du moins, le lieu d'exercice de la citoyenneté et le cadre de participation des électeurs à la gestion des affaires de leurs communes. S'agissant des municipalités, le nouveau code communal prévoit même que l'APC, désormais instance délibérative, exécutive et administrative, « peut » présenter un exposé de ses activités devant les citoyens. Ici, le verbe pouvoir est assorti des guillemets de rigueur car la loi ne dit pas qu'il «doit» nécessairement le faire. Cette petite possibilité de démocratie participative n'est même pas une question subsidiaire, elle est tout simplement facultative. C'est donc de l'ordre du souhait. On observe d'abord que la profonde désaffection électorale attendue n'est pas seulement dans l'air du temps. On l'a bien sentie dans la rue, sur les marchés des villes comme à la campagne, et, à toute heure, au café maure du coin. On n'y a même pas perçu, comme aurait dit un certain San Antonio, un début de commencement d'amorce de frémissement d'un intérêt politique ou civique quelconque pour ce qui devait être un grand raout électoral. Et même si dans les permanences électorales les DJ partisans ont chauffé à mort la sono, avec des chants patriotiques, la fête n'a pas éveillé dans les consciences l'idée d'un gala grandiose (…), d'un raout carillonné ou d'un festival à grand orchestre, comme l'aurait dit Jules Verne. Walou, ulach, macache, rien de tout ça. Aux yeux des électeurs potentiels, le jeu électoral ne vaut pas la chandelle citoyenne, car il n'y pas d'enjeux politiques majeurs. Et qu'existe encore un problème avec le nom PAPC, appellation algérienne d'origine contrôlée depuis le premier code communal de 1967. Le maire algérien n'est donc pas le mayor, l'élu majeur, comme sous d'autres cieux autrement plus démocratiques. C'est un PAPC spécifique. Un acronyme faussement suggestif. Car, en dépit des modifications introduites par le nouveau code des communes consacré par la loi No 11-10 du 22 juin 2011, le premier des édiles municipaux n'est pas un pape, dans le sens où il aurait été doté de pouvoirs réels et larges. Le PAPC, pourtant porteur de la double casquette d'agent de l'Etat et de sa commune, est soumis à la pleine autorité, voire, dans certains cas, au pouvoir discrétionnaire du Wali, représentant de l'Etat. Un puissant feudataire qui valide ou invalide les signatures du PAPC. Ses prérogatives, désormais renforcées à la marge –c'est un euphémisme-, sont désormais étendues à la voirie, l'éclairage public, l'hygiène, les parterres fleuris et pas seulement. Il y a aussi les fourrières, la salubrité de l'habitat et de l'environnement, les abattoirs et les espaces sportifs et culturels. Bref, à tout ce qui fait de lui un vrai PAPC et pas un maire digne de ce nom qui aurait la main et une parole à dire, par exemple, sur les budgets municipaux. Certes, il signe toujours des transactions de marché, des baux et procède aux adjudications de travaux divers. En outre, et c'est là tout l'intérêt qui n'est pas toujours le sien, il délivre les permis de construire, de lotir et de démolir. Secteur à enjeux financiers et à fort potentiel corrupteur, qui fait saliver les légions de candidats aux listes électorales, par le mandat communal fortement alléché. Gagnants en prébendes et autres avantages générés par la concussion, certains conseillers municipaux le sont après parfois un seul mandat. Perdants dans l'affaire, les électeurs-administrés le sont à tous les coups. En effet, depuis 1963, année de la promulgation du premier texte de l'Etat algérien indépendant, qui réorganise les municipalités issues de la colonisation, les 1 541 PAPC passent et repassent, selon un rituel électoral immuable. Mais dans leurs territoires, en 2012, les trottoirs sont toujours défoncés. Les rues sont encore plus crasseuses. Le bâti de plus en plus insalubre. Il y a encore des dos d'ânes qui sont de véritables dos de chameau, des fondrières, des nids de poule et, parfois, d'énormes trous dans les budgets des communes. N. K.