L'activité cinématographique demeure le talon d'Achille de la culture à Constantine. En effet, cela fait longtemps que le 7e art a été mis au repos forcé faute de projets concrets bien ficelés, actions consistantes et perspectives claires et chiffrées. Seules quelques actions éparses sont entreprises par des jeunes qui versent plus dans l'organisation de manifestations annuelles ou la réalisation de courts métrages et documentaires, qui ne nécessitent pas donc de gros moyens financiers et équipements. Mais ce petit acquis pourrait être déjà un bon début pour commencer à faire quelque chose pour cet art majeur vu la situation critique dans laquelle il se débat. Cet état de fait a plusieurs causes. De l'avis de quelques cinéphiles et fidèles du grand écran, «la ville de Constantine a perdu le goût du cinéma il y a de cela des années déjà. Et la tragédie noire n'a fait que plonger l'art plus profondément dans les abysses». En plus, depuis la fermeture intempestive des salles de cinéma (après leur reconversion dramatique en salles de fêtes), les citoyens ont été complètement coupés du cinéma et se sont donc peu à peu éloignés de cet art. Les mutations socioéconomiques aidant, de nouveaux comportements ont carrément fait oublier qu'il existe des salles sombres où on peut voir des films sur grand écran, en haute définition (HD) avec son stéréo et dolby-system. Personne ne parle plus d'aller au cinéma. Le cinéma vient désormais à la maison. Avec les DVD et Internet, on voit les films à domicile, même si c'est sur des écrans plus petits.Toutefois, le responsable de la culture à la wilaya de Constantine ne partage pas entièrement cet avis. «Certes, le cinéma connaît un déclin. C'est là un constat indéniable», reconnaît-il. Mais, mettant un bémol, il ajoutera que tout n'est pas perdu et qu'on peut encore redonner vie au 7e art et à l'activité cinématographique, pour peu qu'on y mette les moyens et la volonté nécessaires. «La passion est indispensable pour ressusciter cette activité dans la ville des ponts. Il faudra récupérer au fur et à mesure l'audience perdue… Un travail qui se concrétise par l'implication des associations locales et les ciné-clubs», dira le responsable.Dans cette perspective, le Palais de la culture Malek- Haddad tente depuis quelques mois de relancer l'animation avec des projections suivies de débats. Pour l'heure, les résultats sont peu reluisants. «Mais il est indispensable de ne pas baisser les bras et de maintenir la cadence pour inciter beaucoup de gens à investir les lieux. Pour le moment, le seul point d'activité cinématographique se situe au Palais de la culture, en attendant l'ouverture, en janvier 2013, de la cinémathèque An Nasr - d'une capacité de 280 places- laquelle en est aux dernières retouches de restauration», ajoutera notre interlocuteur qui, par ailleurs, nous fera part de la réhabilitation imminente de deux salles de cinéma, en l'occurrence El Andalous (ex-Versailles), à Sidi Mabrouk, qui a une capacité de 958 places, et Cirta, avec 540 places. «Ce sont deux projets relevant des prérogatives de la wilaya, qui les a inscrits sur le registre du plan d'urgence de Constantine et les a transmis en schéma directeur à la municipalité qui prendra le relais après le scrutin», déclare le directeur.Il est vrai que, d'un point de vue global, l'absence de salles aura pénalisé les initiateurs d'activités et organisateurs de manifestations dans le domaine du cinéma. Mais, il faut dira aussi que les caméras ne tournent pas dans chaque coin de rue… Dans le registre des projets culturels aucun projet émanant des associations n'existe. «On ne dissocie pas les arts. Chaque activité a son chapitre pour d'éventuelles aides. Actuellement, il n'y a pas grand-chose pour le cinéma, si bien qu'ils se comptent sur les doigts d'une seule main les clubs voués au septième art. On ne se bouscule pas au portillon de la maison de la culture pour proposer des projets. La direction reste ouverte à toute initiative s'inscrivant dans ce registre artistique qui fait cruellement défaut à Constantine», affirme le responsable. Constantine a bien un ciné club qui a tenté l'expérience de réanimer la scène cinématographique, il y a plus de deux années. Mais le public n'a pas suivi. Il faut dire aussi que l'expérience n'a pas pu s'inscrire dans le long terme, ni même le moyen. Aussi, serait-il opportun d'accorder à ce genre d'expériences plus de soutiens et d'encouragements afin de les pérenniser et susciter l'émulation.Projections et débats doivent être associés à chaque fois que l'occasion se présente pour socialiser et diffuser le 7e art, car, en réalité, les films documentaires ou les courts métrages n'ont pas encore pris toute leur place pour pouvoir jouer les moniteurs qui éveilleront le cinéphile qui sommeille chez les jeunes accros des petits écrans. Ce genre de production doit cependant être soutenu. Car, c'est une bonne école. «Celui qui parvient à produire un court métrage pourra par la suite élargir son zoom à d'autres genres cinématographiques. S'il paraît simple de par son appellation, le court métrage n'en est pas moins une création et production cinématographique qui exige scénario, mise en scène, montage… tous ce qu'exige un long métrage», expliquent des cinéastes. Cet avis est partagé par le réalisateur Karim Traïdia, qu'on a rencontré à la Maison de la culture Mohamed- El Aïd- El Khalifa, en marge du casting en prévision de l'adaptation télévisuelle du roman La brèche et le rempart (éditions Chihab) de Badreddine Mili. «S'il y a passion et amour pour les courts métrages cela se manifeste sur le terrain par des projections. Il n'existe pas de cinéma amateur, toute activité est balisée par un cursus professionnel. Toutefois, quand on parle d'amateurs, il faut prendre le mot dans le sens ‘‘amour pour le ciné''. Cette passion devra se développer par des projections dans diverses manifestations, c'est un baromètre efficace pour jauger ces initiatives», dira le réalisateur, qui vit actuellement en Hollande. Ce dernier insiste beaucoup sur le vocable «exposer», car, expliquera-t-il, c'est le seul moyen de faire parvenir le message que l'on veut transmettre via les courts métrages. Ainsi, le mieux serait de projeter les courts métrages produits dans des manifestations internationales. Mais cette étape reste dans le domaine de l'utopie pour les associations étant donné le peu de moyens dont elles disposent. Selon M. Traïdia, pour donner à une production toutes ses chances d'être diffusée, il faut d'abord en mesurer l'impact et comment elle est reçue par le public. «Une fois l'œuvre achevée, il faut inviter les passionnés de cinéma, des personnes qui n'ont aucun goût pour cet art et des personnes qui vous détestent et, évidement, vos amis proches. Si tout le monde est charmé par votre film, cela veut dire que vous avez la chance de gravir des échelons…», dira-t-il. N. H.