La dichotomie entre le secteur privé et public, le financement de la santé publique, la politique générale, la formation, la problématique des médicaments…ce sont autant de maux qui rongent le secteur de la santé en Algérie. Tirant la sonnette d'alarme, d'éminents professeurs mais aussi des professionnels de la santé publique appellent à un débat sur le secteur, un débat pacifique qui n'engendre pas de frustrations pour régler un problème «idéologique pour un choix de projet de société». Le but est de stabiliser le système de santé national. Les professionnels de la santé, à travers les praticiens et praticiens spécialistes, accusent les pouvoirs publics de vouloir, à travers l'élaboration de la nouvelle carte sanitaire, reconvertir la totalité des services hospitaliers du Nord au profit des hospitalo-universitaires. «Ceci non pas pour répondre à un quelconque besoin spécifique d'offres de soins pour la population, mais simplement dans le but de multiplier les postes de responsabilité au profit de cette corporation (hospitalo-universitaires, Ndlr)», fait remarquer le Syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique (Snpssp). Il y a une dizaine d'années, ministère et partenaires sociaux s'étaient entendus à revoir la carte sanitaire, nationale «dans le respect des besoins du pays en soins et en formation selon les normes universelles, mais ceci n'a jamais été respecté à ce jour», note le président du syndicat, le Dr Yousfi. Les praticiens spécialistes dénoncent, eux, un «système de santé complètement perverti, n'ayant ni référent ni référence, fonctionnant au jour le jour, et dans une instabilité chronique». Le syndicat explique que les changements récurrents au sein du secteur de la santé dans le pays n'ont fait «qu'aggraver les problèmes et engendrer une absence de prise en charge des préoccupations des citoyens». Notamment en raison du manque de médicaments, dont souffrent tout particulièrement les malades cancéreux, et de vaccin pour les nouveau-nés. Les professionnels de santé publique appellent le ministère de la Santé et de son premier responsable, Abdelaziz Ziari, au dialogue, à l'effet de «relancer les chantiers de réflexion» sur la réforme du système national de santé. Parmi ces chantiers : le projet de loi sanitaire auquel le partenaire social n'a pas été associé. «Nous craignons, encore une fois, qu'on nous mette devant le fait accompli, si les députés viennent à adopter le texte», s'inquiète le Dr Merabet. «C'est là que les élus doivent se manifester en refusant l'adoption du texte de loi sans y avoir associé le partenaire social», note-t-il. Le Pr Zitouni désigné pour assurer le suivi du plan national anti-cancer Eminence grise dans le domaine de la santé en Algérie, le professeur Farid Chaoui, gastroentérologue connu et reconnu, estime qu'il faut une seule carte de Sécurité sociale, créer une carte d'assurance maladie commune et une caisse unique pour financer les programmes de santé élaborés par le ministère de la Santé. Il plaide pour un seul système de santé et un financement centralisé. Le Pr Chaoui résume en trois étapes le modus operandi pour stabiliser le système : un programme national, une hiérarchisation des priorités et un financement adéquat. «En 2020, l'Algérie comptera 40 millions d'habitants, dont 12% - soit entre 4 et 5 millions - de seniors. Il faudra alors établir des priorités entre la gestion de cette transition épidémiologique entre les maladies qui connaissent une émergence exponentielle due au mode de vie (maladies cardiovasculaires, métaboliques), qui coûtent cher en matière d'investigations et de traitement, et les maladies transmissibles comme les hépatites, le sida…», explique-t-il. Le gouvernement algérien est souvent mis en cause dans la résurgence de maladies que l'on croyait révolues (la gale, la tuberculose…). De nombreux cas ont été signalés à travers plusieurs régions du pays. Ce qui n'a fait que raviver les craintes des professionnels et nourri la psychose au sein des familles algériennes. Désigné récemment par le président de la République pour assurer le suivi du plan national contre le cancer, le Pr Messaoud Zitouni hérite d'une lourde responsabilité tant la situation des malades cancéreux en Algérie n'est guère reluisante. Médicaments en rupture récurrente, radiothérapie qui fait défaut dans les hôpitaux publics, le Pr Zitouni aura du pain sur la planche. La lutte contre le cancer, l'un des pendants de la politique de santé nationale au cours des prochaines années, sera donc au cœur des préoccupations de l'exécutif, du moins c'est ce qui est espéré par les malades et les professionnels du secteur de la santé. Y. D.