Présenté samedi soir dernier sur les planches du Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi (TNA), le spectacle El Djamilate (les belles) a carrément fait sensation. Produite par le Théâtre régional d'Annaba Azzeddine-Medjoubi (TRA), mise en scène par Sonia, d'après le texte de Nadjet Taïbouni, El Djamilate est une œuvre créée à l'occasion de la célébration du 50e anniversaire de l'indépendance et en hommage à toutes les femmes martyres de la révolution et Moudjahidate. D'ailleurs, deux invitées de marque ont assisté à cette représentation, à savoir les moujahidate Louisette Ighil Ahriz et Zhor Drif Bitat, qui étaient assises au premier rang. Le rideau se lève. Nous sommes en Algérie, en pleine guerre d'indépendance. Cinq femmes sillonnent la scène, vêtues des tenues d'antan et de haïk. Elles échangent des armes et des messages avant d'aller taguer le mur au fond de la scène du mot FLN. Deux soldats de l'armée coloniale française arrivent, le mur, qui est une sorte de papier peint, est déchiré laissant apparaître une prison. La scénographie, signée par Hebal Boukhari, est ingénieuse et bien réfléchie. Cloîtrées dans leurs cellules, les cinq prisonnières subissent la torture, et quand leur bourreau leur demande leurs prénoms, elles répondent toutes : «Djamila». Le bourreau quitte les lieux et les cinq Djamila se réunissent. Les barreaux de leurs cellules se déplacent avec elles. Une fois seules, les cinq femmes se livrent à des confidences et racontent leurs maux. Elles racontent la cruauté des colonisateurs et l'injustice de leur quotidien, tout en espérant voir une Algérie libre et indépendante. Chacune d'elles relate sa vision de l'indépendance et se prépare à ce qu'elle va faire le jour de l'indépendance. «J'irai embrasser chaque parcelle de notre terre», déclare l'une. «Moi, pour ma part, j'irai prendre dans mes bras chaque Algérien et Algérienne», dit la seconde Djamila. La raison pour laquelle elles sont emprisonnées n'est évoquée que vers la fin de la pièce, lorsqu'une voix off donne le motif pour lequel elles sont emprisonnées : dépôt de bombes dans différents lieux publics de la capitale, le Milk bar, le siège de la Radio, la Grande-poste et d'autres lieux. Les cinq prisonnières énuméreront, par la suite, les noms d'un grand nombre de femmes martyres de la révolution sous une avalanche de youyous qui emplissent la salle. La pièce est très rythmée et le public a eu droit à plusieurs tableaux chorégraphiques, conçus par Toufik Kara. Cependant, cela n'a pas été le point fort de la représentation. La pièce prendra fin avec une note de joie qui sera l'annonce de l'indépendance de l'Algérie. Les portes de la prison s'ouvrent, laissant les cinq Djamila savourer le grand jour. Les comédiennes se changent, elles reviennent toutes vêtues de longues robes blanches et des roses à la main, déclamant un texte patriotique sur l'amour de la nation avec en fond sonore la chanson «ham'dou lilah ma bkach isstimar fi bladna», du défunt El Hadj M'hamed El Anka, devenue une sorte d'hymne de la célébration du Cinquantenaire de l'indépendance. Relativement réussie, cette pièce est une œuvre taillée sur mesure et créée pour les circonstances actuelles, surtout que les cinq Djamila réclament les excuses de la France. Emouvante, surtout pour celles et ceux ayant vécu ces moments sombres de notre histoire, la pièce laisse chez le public un certain sentiment de confusion sur sa qualité, car le spectateur ne sait plus s'il est touché par le contexte et l'histoire ou par l'œuvre elle-même. A la fin de la représentation, Madame Zhor Drif Bitat entonne un chant patriotique et elle sera suivie à sa demande par les comédiennes. W. S.