Certains économistes ont beau voir dans l'Afrique le prochain grand marché émergent, les pénuries alimentaires chroniques que connaît le continent demeurent obstinément sans solution. Consciente de ce problème, l'Union africaine (UA) cherche à convaincre ses membres d'augmenter leurs investissements dans le secteur agricole. C'est un défi de taille. Mais les signes de progrès se multiplient, en partie grâce au Programme détaillé pour le développement de l'agriculture africaine (Pddaa), un plan novateur conçu par le Nepad, l'organisme de développement de l'UA. Le message du Pddaa est simple, mais efficace : l'augmentation des investissements dans l'agriculture doit permettre de vaincre la famine en Afrique, tout en sortant des millions de personnes de la pauvreté. Le programme a plusieurs volets, mais le plus connu d'entre eux exige de ses signataires qu'ils consacrent au moins 10% de leur budget à l'agriculture. Trente pays ont déjà pris cet engagement. Les résultats du Pddaa sont pour l'instant mitigés. Certains pays ont encore du mal à traduire le programme en mesures concrètes. Le Pddaa est une belle idée mais souffre de deux faiblesses majeures : il n'a pas les moyens financiers de soutenir ses projets et ne peut obliger ses membres à adopter ses recommandations. Prenons l'exemple de la PAC, la Politique agricole commune de l'Union européenne (UE). Ce programme de subventions agricoles a été créé pour répondre aux pénuries alimentaires dont souffrait l'Europe dans les années 1950. La PAC dispose à la fois de moyens financiers -pas moins de 40% du budget de l'UE en 2010- et de moyens de pression suffisants pour imposer ses conditions aux membres qui bénéficient des subventions. Les subventions de l'UE ont certes des effets néfastes sur les agriculteurs des pays pauvres mais elles ont permis d'améliorer les revenus des agriculteurs européens et de produire davantage d'aliments de qualité pour les consommateurs. Le Pddaa, à l'inverse, ne peut exercer qu'une influence morale pour convaincre ses membres de respecter leurs engagements. Pire encore : il dépend fortement des bailleurs de fonds pour investir dans les pays signataires. Il est aussi troublant de constater qu'une proportion importante des budgets nationaux de la plupart des pays signataires du Pddaa provient des bailleurs de fonds. L'Afrique est ainsi à la merci de la réduction des aides en cas de récession économique, ou quand les priorités changent, ou encore lorsque la situation politique intérieure des pays africains concernés évolue comme l'ont clairement montré les événements récents au Malawi ou au Rwanda. L'efficacité du Pddaa dépend avant tout de la volonté des signataires de déployer les efforts nécessaires. Pour prouver l'importance qu'elle accorde à la sécurité alimentaire, l'UA devrait suivre l'exemple de l'Union européenne en obligeant ses membres à contribuer à un fonds agricole commun. Il est vrai que pour les pays pauvres, consacrer 10% de leur budget à l'agriculture est un objectif ambitieux, compte tenu des nombreuses autres priorités qui existent. Mais la réussite du secteur agricole permet de réduire les besoins de financement des programmes sociaux de lutte contre la faim et la pauvreté. Au final, investir dans l'agriculture est un très bon calcul.
M. T. In Afrique Renouveau, magazine de l'ONU (www.un.org/africarenewal)