La journée du samedi qui se profilait décisif dans la vie politique tunisienne n'a rien changé à la donne. La crise demeure entière. Ni Ennahda n'a réussi son coup de force par une manifestation grandiose qui aurait tranché la question en sa faveur, ni le Premier ministre Hamadi Jebali n'a réussi à former son gouvernement apolitique. Le blocage semble total. En même temps, les consultations se poursuivent. L'annonce du gouvernement, qui devait être faite aujourd'hui, n'a pas eu lieu. Le Premier ministre s'est donné une rémission de 48 heures avant de relancer les négociations, demain. Depuis le 6 février et l'assassinat de l'opposant anti-islamiste Chokri Belaïd, Hamadi Jebali essaie de former un gouvernement apolitique, contre l'avis de son parti Ennahda. D'autres figures avaient d'ailleurs menacé de démissionner. Dans un premier temps, Hamadi Jebali avait fixé à ce samedi la date limite pour la formation d'un gouvernement de technocrates. Mais vendredi, il avait annoncé qu'il mènerait de nouvelles consultations demain, reportant sine die la composition du nouveau cabinet. Aujourd'hui plus que jamais, les Tunisiens savent qu'ils n'ont pas d'autre choix que de trouver un arrangement. Un consensus qui n'exclut aucune mouvance et qui doit sortir le pays de la crise exacerbée par l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd. Une crise cristallisée par l'incapacité des membres de l'Assemblée constituante (ANC) à rédiger un texte fondamental. La rédaction de la Constitution est dans l'impasse depuis des mois, faute de compromis sur la nature du futur régime. Les nahdaouis étaient nombreux hier à manifester sur l'avenue Habib-Bourguiba en réponse à l'appel de leur direction. Celle-ci les avait exhortés à manifester pour la légitimité et contre le gouvernement apolitique que prône le numéro deux du parti et Premier ministre Hamadi Jebali. Les manifestants, rejoints en fin de manifestation par le président du parti Rachid Ghannouchi, étaient certes cinq fois plus nombreux que ceux qui ont manifesté au lendemain des obsèques de Chokri Belaïd (3 000), mais peu nombreux en comparaison avec ceux qui ont manifesté le jour des obsèques de l'opposant de gauche tunisien. L'arbitrage de la rue n'a pas été concluant. D'où la nécessité pour Ghannouchi, représentant des radicaux d'Ennahda, de composer avec ses opposants. Sacrifier deux ou trois portefeuilles ministériels pour faire baisser la tension s'avère plus que judicieux. L'autre partie doit également accepter des politiques dans le cabinet à former. Les deux clans rivaux doivent faire des concessions pour que triomphe la voix de la raison et que la violence soit, à jamais, bannie de leur langage politique. L'avenir de la Tunisie en dépend. G. H.