Photo : M. Hacène Par Karima Mokrani Le Pr Merah, chef de service de médecine légale au CHU Béni Messous (Alger) fait un constat des plus tristes sur la situation des femmes dans leur foyer conjugal. Pas toutes les femmes mais une grande partie d'entre elles. «C'est un travail que nous faisons au quotidien. Chaque jour, nous recevons trois à quatre femme pour des coups et des blessures qui varient d'une femme à l'autre. C'est dramatique ce que nous vivons en tant que médecins légistes. Ce qui nous attriste le plus, c'est que nous ne pouvons rien faire. Nous restons au stade du constat» , a-t-elle indiqué hier, dans une intervention faite à l'hôtel Hilton, à l'occasion d'une journée d'information sur les droits des femmes et la lutte contre la violence sous toutes ses formes, subies par celles-ci. Cela coïncide avec la célébration de la journée du 8 mars qui est toujours une occasion de rappeler les progrès réalisés en la matière, mais aussi les insuffisances , et il y en a beaucoup s'accordent à dire les intervenantes. Un grand nombre de femmes députées, en plus de Mme Aïcha Barki, présidente de l'association Iqra et membre du Sénat, étaient présentes à cette rencontre. Une action initiée par l'Association Rachda, présidée actuellement par Dalila Aoudj, et prise entièrement en charge par l'hôtel Hilton. Un geste fort admirable de la part des responsables de cet hôtel et fortement salué par les femmes présentes au rendez-vous. Celles-ci représentant différentes associations féminines qui activent à travers le pays, en plus de femmes politiques, médecins, avocates et autres. Dans son intervention, le Pr Merah révèle que les femmes battues ne se présentent chez le médecin légiste que trois à quatre jours après avoir été «corrigées» par leur mari. «Elles ne se présentent pas le premier jour mais trois à quatre jours après. Et elles le font en cachette, la peur au ventre, généralement lorsque le mari va au travail. Elles ont peur des représailles. Elles ont peur de perdre leur foyer». Et de poursuivre : «Ce ne sont pas des femmes faibles. Si elles agissent de la sorte c'est surtout pour sauver les apparences.» Poursuivant dans le même ordre d'idées, le Pr Merah affirmera que beaucoup parmi ces femmes battues «ne déposent pas plainte. Le certificat prouvant la maltraitance, elles le laissent chez une amie ou autre, jamais dans la maison par peur qu'il ne soit découvert par le mari». L'invitée de l'Association Rachda insiste sur le mot violent. Un mari violent. «Ces maris violents souffrent de troubles psychologiques. Sans compter la consommation d'alcool et de drogue. Parfois, ce sont les femmes qui souffrent de ces troubles psychologiques. C'est là où il faudra intervenir pour changer les choses. Une prise en charge psychologique, une thérapie familiale, une thérapie de groupe et autre.» Autre point, «le pic de violence est enregistré durant le mois de Ramadhan». Et ces cas de maltraitance sont commis par des hommes de toutes les couches de la société (niveau d'instruction moyen et cadres supérieurs) et même chose pour les femmes victimes. Lors de cette rencontre, des chiffres ont été donnés par Mme Imessaoudène de la direction générale de la Sûreté nationale (Dgsn), mais de manière très rapide comme pour dire que les chiffres comptent peu devant l'ampleur de «la crise morale» qui gagne le pays quoique, en partie, il y ait des raisons objectives pour justifier de telles dérives. La période de violence terroriste, avec ce que cela a entraîné comme perte de repères dans la société algérienne et, avant elle, la cellule familiale y est pour beaucoup. Panser les blessures profondes de cette époque douloureuse pour tout le pays est une nécessité absolue, car il ne s'agit pas seulement de préserver la dignité physique et morale de la femme mais aussi les fondations de l'Etat algérien. A côté de cette violence terroriste a insisté, de son côté, Mme Soumia Salhi, syndicaliste militante féministe, aujourd'hui à la retraite, il y a la précarité de l'emploi qui fait que de nombreuses femmes deviennent victimes de chantage et de harcèlement sexuel au travail. Ça aussi est un phénomène à prendre très au sérieux surtout qu'il y a des lois et que celles-ci sont difficiles à appliquer pour cause des difficultés de prouver le délit. Outre ces délits, il y a l'inceste. Des cas très rares mais une menace véritable sur la société. «On croyait que l'inceste, c'est uniquement sur les mineurs. Non, les adultes aussi en sont victimes. Nous avons comptabilisé 5 cas durant l'année 2012», a rapporté la représente de la Dgsn.