En dépit de son interdiction régulièrement rappelée par le ministère de l'Education nationale et de son rejet par la majorité des parents d'élèves, le châtiment corporel n'a pas encore été banni des établissements scolaires et de nombreux enseignants et personnels de l'éducation continuent de «lever la main» sur des élèves pas toujours faciles à manœuvrer et de plus en plus réfractaires à la discipline. Dans les écoles primaires, mais aussi dans les collèges et, plus rarement, les lycées, il arrive que les enseignants ne trouvent pas d'autres méthodes pour se faire entendre et respecter qu'en recourant à la trique : «Les élèves peuvent se montrer d'une rare insolence et l'enseignant ou le directeur perdre son sang-froid», reconnaissent des enseignants, en mettant en avant les dangereuses mutations que la société algérienne a connues ces vingt dernières années, qui ont imposé la violence comme moyen de communication privilégié. A telle enseigne que des éducateurs sont parfois agressés par des élèves à l'intérieur ou à l'extérieur des classes et, à travers de nombreuses localités du pays, un climat de terreur empêche les enseignants de faire leur travail : «Dans beaucoup d'écoles, ce sont les élèves qui imposent leur loi et les enseignants sont abandonnés à leur impuissance», déplore-t-on parmi ceux-ci, en rappelant la manifestation que le CLA avait récemment organisée pour dénoncer cette situation désastreuse et le mutisme des pouvoirs publics face à un phénomène de plus en plus répandu. Pour autant, tout le monde (ou presque) reconnaît que le châtiment corporel n'est pas la meilleure réponse à apporter pour espérer «ramener l'école à la raison». «Il faut un gros travail de formation pédagogique des enseignants qui ne sont pas suffisamment armés pour affronter ce genre de situation», estimait notamment une psychologue scolaire à Oran, déplorant que le châtiment corporel soit toujours ancré dans les mœurs et fasse encore des victimes parmi les élèves. Au même titre que le châtiment physique (qui, dans certains cas, a provoqué de graves blessures aux élèves) beaucoup dénoncent la violence morale qui est souvent infligée aux écoliers : «En interdisant les châtiments corporels, l'Etat algérien a omis d'évoquer le harcèlement moral qui peut avoir des effets dévastateurs sur la personnalité de l'élève», nous affirmait, il y a quelques temps, Fatima-Zohra Sebaa, psychoclinicienne et chercheure au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc), en expliquant que le fait de forcer un élève à se dévêtir, de l'insulter ou de le railler peut provoquer de lourds dégâts sur sa personnalité. Adulte, il y a un risque sérieux qu'il reproduise la même violence ou passe sa vie à subir toutes les avanies : «Dans tous les cas, ce sera une personne à la psychologie fragilisée par la faute d'une école et d'une société encore sourdes aux vertus du dialogue et de la communication». Pour Mme Sebaa, il est urgent que le législateur se penche sur la question de la violence morale dont les conséquences sont aussi multiples que sournoises.