Parrainée par les monarchies du Golfe, l'opposition syrienne compte depuis hier sa première ambassade. Comme il fallait s'y attendre, c'est à Doha que «l'inauguration» a eu lieu comme l'ont certainement souhaité les monarchies de la région. La «coalition nationale syrienne», ce corps hétéroclite monté de toutes pièces pour s'opposer au régime dictatorial de Bachar Al Assad, n'avait pas ainsi besoin de renverser son adversaire pour se doter d'une représentation diplomatique. Le Qatar propulse donc une organisation, dont on ne connaît pas avec précision ce qu'elle représente dans son pays, à un rang que les sciences politiques n'ont pas encore classé. Evoluant sous les orientations des monarchies du Golfe, l'opposition syrienne vit manifestement une période faste. Car, avant l'intronisation de son ambassade au Qatar, elle s'est vue offrir un siège au sein d'une Ligue arabe qui ne fait plus illusion depuis longtemps. C'était un des objectifs du Conseil de coopération du Golfe pour, au delà de la volonté d'isoler le régime Al Assad, signer sa mainmise sur la Ligue arabe. C'est fait, la Ligue arabe est sous contrôle du Qatar et de l'Arabie saoudite. Désormais, il n'y aura plus de place pour un avis contraire à celui que soutiendrait ce tandem, qui œuvre à renverser le pouvoir d'Al Assad, quitte à ce qu'il détruise complètement Damas. Dans un monde arabe davantage groggy par la montée du Qatar, la remise en cause de ces deux faits favorables à l'opposition syrienne, ne peut venir que de l'extérieur. Quelques pays membres de la Ligue arabe n'ont pas osé prononcer plus que des réserves, la voix discordante émane de la Russie. Pour le ministre des Affaires étrangères russe, «la décision prise par la Ligue sur la Syrie est illégale et infondée, parce que le gouvernement syrien était et reste le représentant légal auprès de l'ONU». Avec ce qui s'est passé lors de sa dernière session, la Ligue arabe entame le cycle du règne qatari. Dominée pendant plusieurs décennies par l'Egypte, la Ligue arabe est désormais sous l'emprise de l'émirat du Qatar alors que d'autres pays, principalement l'Algérie, avaient largement l'opportunité de peser dans les rapports de forces internes à cette organisation. Mais celui qui a choisi la «non diplomatie» ne peut pas gagner de nouveaux espaces d'influence, y compris dans des instances régionales à faible impact. La mainmise des monarchies du Golfe sur la Ligue arabe a pu sans doute s'appuyer sur les positions françaises et britanniques vis-à-vis de la situation en Syrie. La décision d'octroyer à l'opposition syrienne un siège au sein de la Ligue arabe survient quelques jours seulement après le quitus donné par Paris et Londres pour armer l'opposition. A. Y.