Le procès qui s'ouvre mardi prochain sera l'occasion pour les uns et les autres de se remémorer l'affaire Khalifa qui avait alimenté les discussions de l'année 2003 jusqu'à 2007. Le nombre d'accusés et de témoins et leur qualité en avait fait l'affaire du siècle. Pourtant, rien ne laissait présager en 1998 un dénouement aussi délictuel pour le jeune Moumène, coqueluche des Asphodèles, son quartier d'enfance. Abdelmoumène Khalifa est un jeune pharmacien qui décide, ouverture du commerce extérieur aidant, de se lancer dans les «affaires». Ce jeune homme discret décide d'importer des formules sèches pour les mettre dans des boites et ainsi se lance dans la «production» de médicaments. Avec l'ouverture du marché financier, l'homme d'affaires décide d'ouvrir une banque. Pour obtenir le montant du capital obligatoire, il vend la villa familiale. L'ambiance politique n'étant pas à la rigueur, la Banque d'Algérie délivre un agrément pour El Khalifa Bank, qui deviendra la pièce maitresse de «l'escroquerie du siècle», selon les propos du chef de gouvernement à l'époque des faits, Ahmed Ouyahia. Grâce à son entregent, Abdelmoumène Khalifa arrivera à obtenir des dépôts de la part de plusieurs institutions et entreprises publiques. Les Opgi, l'Aadl, les Caisses de retraites et de sécurité sociales, le parti FLN et des dizaines milliers de particuliers se ruent pour être clients de cette banque à l'extension exponentielle. Les taux offerts pour les dépôts à terme sont des plus concurrentiels. Aucune autre banque ne peut suivre et la BA ne s'en inquiète pas outre mesure. Cet afflux de liquidité permettra au jeune Abdelmoumène de se «payer» les meilleures «compétences» et de faire salon avec tout ce que compte Alger et Paris comme personnalités avides d'argent et de pouvoir.Les campagnes médiatiques et publicitaires s'enchaînent. A. Khalifa est désigné par la presse nationale comme le modèle du jeune Algérien qu'il faut imiter. Cette nouvelle stature poussera le jeune homme à envisager d'autres affaires. Il créera une compagnie aérienne, une entreprise de location de voitures et une entreprise de réalisation dans le Btph. Cette boulimie des affaires n'est en fait réalisable que par une utilisation des fonds d'El Khalifa Bank. Faisant fi des règles prudentielles et des normes comptables, Abdelmoumène Khalifa et son staff utiliseront l'argent des déposants comme s'il s'agissait de leurs fonds propres. Une situation qui mènera la banque à l'asphyxie et verra l'intervention des inspecteurs de la Banque d'Algérie pour interdire tout mouvement de fonds vers l'étranger. Ce blocage de l'activité d'El Khalifa Bank sonnera le glas de l'empire, et l'empereur Khalifa deviendra un pestiféré que bien des personnes regrettent d'avoir connu et de s'être fait photographier à ses côtés. Noel Mamère, député écologiste français, sera le premier homme politique à lancer des accusations sur l'origine suspecte de la fortune de ce jeune Algérien, qui acquiert pour des dizaines de millions d'euros de biens immobiliers en France. Les «affaires» du jeune «modèle» sont mises en liquidation et les fraudes éclatent enfin à la lumière. Des instructions judiciaires sont ouvertes et des personnalités de haut rang dans la hiérarchie de l'Etat sont mises en cause. Un procès s'ouvrira au tribunal de Blida. Les condamnations sont lourdes. L'accusation d'association de malfaiteurs est retenue contre Djamel Guellimi, inspecteur général de Khalifa Airways en France et directeur général de Khalifa TV, et Issid Idir Mourad, directeur de l'agence Staouéli de la BDL. Ils seront condamnés respectivement à 15 ans et 12 ans de réclusion criminelle assortie d'une amende de 1 million de dinars. Dix ans de prison ont été retenus contre Rahal Omar, le vieux notaire qui bénéficiera des circonstances atténuantes. Même peine contre Akli Youcef, caissier principal, Chaâchouâ Abdelhafid, directeur général de Kgps, avec saisie de sa villa, Guers Hakim, directeur de l'agence d'Oran, Aziz Djamel, directeur de l'agence d'El Harrach (avec la saisie de sa villa), Chaâchouâ Badreddine, directeur des moyens, Mir Omar, directeur de l'agence de Chéraga, Kechad Belaïd, directeur de l'agence de Blida, et Soualmi Hocine, directeur de l'agence des Abattoirs. Le caissier adjoint à la caisse principale, Chebli Mohamed, est condamné à 8 ans de prison et une amende de un million de dinars. Cinq peines de 5 ans de prison et une amende d'un million de dinars sont prononcées contre Nekkache Hamou, directeur général de la comptabilité, Boukadoum Karim, responsable de Khalifa Airways, Mekadem Tahar, responsable du sponsoring et ancien directeur de l'agence de Blida, Foudad Adda, commissaire divisionnaire et directeur de l'école de police de Aïn Benian, et Jeddidi Tewfik, directeur de l'agence de la Caisse nationale de retraite (CNR) pour Oum El Bouaghi. Deux peines de 4 ans de prison ferme et une amende de un million de dinars sont retenues contre Boubedra Hassène, directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale des non salariés (Casnos), et Kerrar Slimane, directeur financier de la CNR. Huit peines de trois ans de prison ferme et une avec sursis, et une amende de un million de dinars sont retenues contre Ghouli Mohamed, directeur adjoint de l'agence des Abattoirs, Ighil Meziane Ali, avec la saisie de sa villa, Arifi Salah, directeur financier de la CNR, et Chaâchouâ Ahmed (le père des Chaâchouâ), lequel bénéficie du sursis. La même peine est prononcée contre Meziani Abdelali, président du conseil d'administration de la CNR et secrétaire national de l'Ugta, Menad Mustapha, directeur financier de la Cnas, Bennaceur Abdelmadjid, directeur général de la Cnas, Benchefra Ahmed, directeur général de l'Opgi de Constantine, et Benâameur Farid. Douze peines de deux ans de prison, dont cinq avec sursis, contre Abdelwahab Réda, garde du corps de Abdelmoumène Khalifa, Mir Ahmed, inspecteur général d'El Khalifa Bank, Larbi Salim, steward de Khalifa Airways (avec sursis), Dahmani Noureddine (avec sursis), Zerrouk Djamel, directeur général de Khalifa Airways, Ameghar Mohamed Arezki, Mimi Lakhdar et Sekkara Brahim, les deux commissaires aux comptes d'El Khalifa Bank, Aggoun Lhadi, l'acheteur de la villa de Chaâchouâ Abdelwahab (avec la saisie de sa villa achetée), Benouis Lynda, directrice de la monétique (avec sursis). Un an de prison avec sursis est prononcé contre Meziane Betahar Meziane, directeur technique de Khalifa Médicament, Boukerma Hakim, agent de sécurité, et Lahlou Toufik. Les amendes retenues pour chacun des condamnés se situent entre 500 000 dinars et 5 000 dinars. Le tribunal prononcera 50 relaxes en faveur notamment de Toudjene Mouloud, directeur général adjoint de la comptabilité, Fayçal Zerrouki, de l'agence de Blida, Yacine Ahmed, directeur général de Digromed, Bourayou Nadjib et son associé Benhadi Mustapha, patrons de la société algéro-espagnole, Leouche Boualem, directeur du juridique d'El Khalifa Bank, Sedrati Messaoud, Bensahoua Mohamed Rachid, Bourkaib Chafik, directeur de Antinéa puis de Khalifa Airways, Hadadi Sid Ahmed, Medjiba Rachid, directeur des télécommunications à Khalifa. Des condamnations par contumace ont été prononcées à l'encontre de Abdelmoumène Khalifa, Amirouchane Nadia, Keramane Abdelwahab, Keramane Abdenour, Keramane Yasmine, Kebbache Ghazi, Tayebi Sakina, Salim Moulay, Nanouche Mohamed, Baïchi Fouzi et Krim Smaïl. Le procureur et certains condamnés ont fait appel du verdict. Les pourvois en cassation ont été acceptés. L'affaire Khalifa bank sera donc rejugée ce mardi alors que le principal accusé, le «Tycoon» Khalifa Abdelmoumène croupit dans les geôles de Londres en attendant que son extradition soit exécutée. Triste fin pour celui que les journalistes adulaient. A. E.