Michael Sarris, le ministre chypriote des Finances, a conclu, hier, les discussions entre Nicosie et ses bailleurs de fonds internationaux sur les conditions d'un plan de sauvetage de dix milliards d'euros, et a démissionné dans la foulée. Harris Georgiades, jusqu'à présent ministre du Travail et vice-ministre des Finances, a immédiatement été nommé en remplacement de Michael Sarris. Le ministre sortant des Finances a expliqué qu'il avait atteint son principal objectif, c'est-à-dire la conclusion d'un accord avec la «troïka» composée par la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI). Michael Sarris, qui était en poste depuis le 28 février et avait déjà dirigé le ministère des Finances entre 2005 et 2008, a en outre rappelé qu'il était comme d'autres l'objet d'une enquête destinée à établir les responsabilités politiques, civiles et pénales de l'effondrement du système bancaire de l'île, et que sa démission était donc logique. Le président chypriote Nicos Anastasiades a nommé, hier, trois anciens juges de la Cour suprême à la tête de cette enquête. Michael Sarris s'était déplacé à Moscou le mois dernier pour négocier une aide russe mais en vain et Chypre a fini par accepter le 25 mars d'imposer une lourde contribution aux dépôts en échange du plan d'aide de la troïka, dont le premier versement doit avoir lieu début mai. Chypre a par ailleurs allégé, hier, son contrôle des capitaux en relevant le plafond des transactions financières qui ne nécessitent pas l'approbation de la banque centrale de 5 000 à 25 000 euros. Le gouvernement maintient en revanche la plupart des autres restrictions mises en place à la réouverture des banques du pays jeudi, parmi lesquelles la limitation à 300 euros des retraits quotidiens d'espèces et le plafonnement à 1 000 euros de la somme que les particuliers peuvent emporter à l'étranger. Michael Sarris a reconnu qu'il ne savait pas quand ces restrictions prendraient fin, et des responsables chypriotes ont estimé que leur levée pourrait prendre jusqu'à un mois. Selon les termes de l'accord conclu hier entre Nicosie et la troïka, Chypre versera un intérêt de 2,5% sur les prêts qui lui seront accordés, et les remboursements débuteront dans 10 ans pour être étalés sur 12 ans. Le pays aura jusqu'à 2018 pour assainir ses finances. Chypre a désormais cinq ans pour atteindre un excédent primaire (hors service de la dette) de 4% du PIB. Nicosie a accepté la fermeture de Popular Bank dite «Laïki», deuxième établissement du pays, et sa division en une banque assainie (good bank) et une structure de défaisance (bad bank). Les actifs sains seront transférés à Bank of Cyprus, première banque de Chypre Les comptes non assurés, c'est-à-dire qui dépassent 100 000 euros, doivent se voir distribuer des actions correspondant à seulement 37,5% de leur épargne, en vertu d'un décret émis samedi. De plus, 22,5% des dépôts ne porteront pas d'intérêts. Sur le reste des dépôts non assurés, qui continueront de porter intérêt, Nicosie a obtenu mardi le déblocage de 10%. Une source proche des négociations a néanmoins rapporté que le gouvernement avait tenté sans succès de libérer l'ensemble des 40%, dont la majeure partie des intérêts ne seront versés que lorsque la banque se redressera. Quant à la commission d'enquête, elle devra établir la façon dont l'île a été poussée au bord de la faillite, au point de devoir accepter un plan de sauvetage européen assorti de mesures draconiennes. M. Sarris a indiqué à des journalistes avoir décidé de quitter son poste car l'enquête doit se pencher sur la période pendant laquelle il dirigeait, en 2012, la deuxième banque du pays, Laïki, mise en faillite dans le cadre du plan de sauvetage. Le président Nicos Anastasiades dira que «la décision de M. Sarris de donner sa démission [...] pour faciliter le travail de la commission d'enquête, constitue un phénomène culturel nouveau dans la vie politique chypriote». M. Sarris avait été nommé à la tête de la Laïki début 2012, avant de démissionner en août 2012, sur demande du gouverneur de la Banque centrale. M. Anastasiades a, par ailleurs, appelé les trois juges formant la commission d'enquête, qui ont trois mois pour rendre leurs conclusions, à se pencher «en priorité» sur sa propre personne et sur sa famille. Des rumeurs, parfois rapportées par les médias chypriotes, courent sur des transferts financiers effectués par des proches de M. Anastasiades, de son prédécesseur communiste, Demetris Christofias, ou d'autres personnalités politiques. Outre des accusations de transferts douteux, la commission doit aussi enquêter sur une liste de personnalités politiques et leurs proches qui auraient bénéficié d'effacements de dettes ces cinq dernières années auprès de banques chypriotes. R. C.