Par Bahia Aliouche L'Etat algérien injecte annuellement des sommes faramineuses dans la subvention des produits de première nécessité. Cette politique adoptée par l'Etat intervient pour calmer la colère de la majorité des Algériens vivant dans des conditions socio-économiques difficiles. Si le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, pense que le montant des subventions aux produits de première nécessité tels que le pain, le lait, le sucre, la semoule et l'huile, ne représente que 1,1% du PIB du pays et qu'il n'est pas possible de sortir dans l'immédiat de la politique de soutien d'une manière «brutale», les économistes, par contre, n'ont pas caché leur crainte quant aux conséquences irréversibles d'une telle politique sur l'avenir de l'économie du pays. Preuves à l'appui, le soutien des prix du blé et du lait enregistre, selon ces experts, une incidence financière de l'ordre de 177 milliards de dinars, alors que celle de l'huile alimentaire est estimée à 5 milliards de dinars. Les subventions octroyées coûtent au Trésor public un différentiel qui reste mobile en fonction des fluctuations des prix d'achat des matières premières sur les marchés mondiaux. Toutefois, le Trésor public paie ce différentiel, quel que soit son niveau, estiment-ils. Le différentiel pris en charge par l'Etat pour ces produits coûte entre 2,5 à 3 milliards de dollars par an, ce qui représente entre 3 et 5% de la rente pétrolière par an entre 2009-2012, selon l'évolution du vecteur prix international, estiment encore les économistes. Un avis partagé par les acteurs industriels, notamment de l'agroalimentaire, qui réaffirment leur opposition à «la subvention» accordée par l'Etat aux produits de large consommation. C'est le cas de M. Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprises (FCE) qui explique: «C'est pour avoir une certaine paix sociale que le gouvernement algérien continue de subventionner les produits de première nécessité.» Mais jusqu'à quand ? S'interroge-t-il avant de souligner : «Le paradoxe est que ces soutiens profitent aux riches et aux pays limitrophes, tels que la Tunisie, le Maroc, le Mali, le Niger et la Libye.» Citant l'exemple du lait pasteurisé et conditionné (LPC) en sachets, qui se vend à 25 dinars/litre alors que son coût revient est à 50 dinars, M. Hamiani indique que le bas prix de ce produit engendre toutes sortes de détournements. Pour obtenir le prix du lait administré à 25 dinars, l'Etat achète la poudre au prix international équivalent à 320 ou 340 dinars/kilogramme et il la vend aux transformateurs à 159 dinars/kilogramme, sous condition que ce produit soit destiné uniquement à la production du LPC. Certains transformateurs utilisent cette poudre pour fabriquer d'autres produits laitiers dérivés, alors que d'autres quantités vont aux crémeries. «Ce n'est pas l'Algérien qui profite de ce prix, puisque notre lait est acheminé vers des pays voisins, alors que la poudre subventionnée est utilisée dans la production des produits dérivés», souligne-t-il. Selon M. Hamiani, il faudrait ainsi que le gouvernement trouve le moyen de faire évoluer cette subvention à travers une transition du produit fini vers la production de matières premières. Pour sa part Abdelwahab Ziani, président de la fédération agroalimentaire (Cipa), pense qu'il est primordial de libérer les initiatives au profit des industriels et, surtout, de réduire les subventions à l'importation. Et de suggérer de réduire la consommation nationale du lait, estimée à 147 litres par habitant et par an, indiquant que celle-ci dépasse les normes recommandées par l'Organisation mondiale de la santé, à savoir 90 litre /habitant /an. Le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, qui reconnait que les subventions en question pèsent lourdement sur le budget de l'Etat, précise que les céréales et le lait absorbent 80% des mobilisations au titre des subventions. D'où la nécessité d'instaurer une nouvelle méthode de régulation du marché. C'est ainsi qu'une commission intersectorielle, composée des ministères des Finances, de l'Agriculture, du Commerce et de l'Industrie est mise en place pour se pencher sur cette question avec pour objectif la rationalisation des modes de subvention des produits de large consommation, comme le lait et les céréales, a indiqué récemment M. Benbada, selon qui la commission installée se penchera aussi sur le mode de consommation des Algériens de ces produits subventionnés étant donné que leur consommation, notamment pour le lait et les céréales, a fortement augmenté ces dix dernières années. Parmi les facteurs qu'aura à étudier cette commission figure l'instabilité des marchés mondiaux des matières premières, en raison notamment des changements climatiques, nécessitant une politique de régulation rigoureuse. B. A.