Le festival enchaîne ses productions magistrales. L'harmoniciste Français Jean-Jacques Milteau et son groupe ont mis du blues et de la soul dans le Festival international de jazz de Constantine, DimaJazz, lors de cette troisième soirée. Une scène dynamique «bluesy» et mélodieuse qui a fait bouger le public (moins nombreux que les deux premières soirées). Chaque dernière note est applaudie par des mélomanes, pour la plupart des jeunes étudiants et lycéens, qui apprécient le blues, l'authentique. La paix prenait la belle part en note et en voix. «C'est la musique de la liberté, celle des années soixante coïncidant avec les droits civils aux Etats-Unis. On a un amour pour cette musique depuis qu'on était gamin», nous révèlera l'artiste à la fin de sa prestation. Et d'affirmer : «Ce message est perçu par ceux qui cherchent de l'aide et non par ceux qui veulent des armes…»
Supplique pour la paix, en voix et harmonica Se baladant sur la scène, il teinta de son harmonica tous les morceaux interprétés par les deux vocalistes afro-américains Michael Robinson et Ron Smyth. Le guitariste et parolier de la formation, Manu Galvin, ressort le blues qu'il aime particulièrement, celui de BB King. Maitrisant parfaitement son jeu à la guitare acoustique, seul, il harmonisait la totalité du récital avec le soutien discret mais continu du bassiste Gilles Michel, affectionnant un modèle particulier de son instrument à la forme de violoncelle. Le groupe interprétera une supplique pour la paix, Sunrise peace fully, chantée avec émotion par Ron Smyth, qui déroulera le câble de son micro pour se rapprocher du public et faire entendre son message : Celui de l'espoir. A la voix soul et mélodieuse. Et, à chaque reprise, l'harmonica entre en communion avec les autres instruments pour une harmonie toujours blues, captivante. Michael, l'autre voix surprenante, interprétait quelques opus dont Your love, Come with me, Rock me baby,… où le Memphis était présent. Mais Milteau se dit plus impressionné par l'architecture de Constantine que par celle de cette ville américaine. Plein d'humour, il s'essayera sur scène à quelques mots en arabe : «Merci, liberté,…». «J'en ai appris quelques-uns lors de mon voyage au Soudan. Je trouve respectueux de prononcer au moins deux ou trois mots du langage d'une société à qui on rend visite…», confiera l'harmoniciste. Evoquant son parcours avec la troupe, il indiquera : «Cela fait sept ans qu'on travaille ensemble. Notre penchant pour ce style a fait que nous songions à monter un répertoire blues et soul.» Ce recueil trouve réceptivité chez les mélomanes du festival. Questionné sur l'impact de ses prestations aux Etats-Unis, l'artiste répondra tout de go : «Pour vous dire, j'ai enregistré pas mal aux Etats-Unis mais je m'y suis peu produit. A l'époque de Georges Bush je ne voulais pas y aller.» Et qu'en est-il sous le règne du nouveau président : «Obama chante lui-même le blues, on n'a pas besoin d'y aller», rétorque-t-il avec ironie. Quant au DimaJazz, la troupe affirmera que le festival est très bien fait. Manu Galvin, dont le penchant pour la Djouzia Constantinoise s'est déclaré spontanément, renchérira que Dimajazz sur le plan technique et organisationnel n'a rien à envier aux autres évènements planétaires. «Pour nous, ce soir, en matière de matériel, il n'y avait pas de différence entre les concerts qu'on a l'habitude de faire et celui du jour», dira-t-il. La troupe musicale a aussi été impressionnée par le public, présent dès le départ, et qui était réceptif au message de paix que Milteau chantera toujours.
L'Arménie «musicale» du Macha Gharibian quartet Pour l'ouverture de la soirée, c'est l'Arménie qui sera à l'honneur. Elle était très présente dans l'univers musical de Macha Gharbian. Ayant cultivé des écoutes diverses avec son père, (musique orientale, des Balkans, tzigane,…), cette pianiste d'origine arménienne de solide formation classique a brisé les us académiques pour créer sa propre musique. «Je suis partie à New York il y a des années, où j'ai commencé à mélanger ma musique à d'autres. C'est de là qu'a commencé mon inspiration», dira la compositrice. La musicienne présentera un répertoire puisé dans les chansons de son pays, mais elle a aussi interprété un arrangement d'un opus Azuré. «C'est un message de paix que j'adresse pour que les conflits cessent», confiera Macha. Pour sa première sortie hors des frontières, le quartet (bassiste, batteur, guitariste hors pair et pianiste) a fourni un concert exceptionnel, explorant l'inépuisable étendue de cette musique dite universelle. Tantôt mélancolique, tantôt classique, avec un retour aux sources, le jazz trouvera sa place dans une interprétation jouée à Paris dans un morceau intitulé Passage de prince. «Le jazz que j'ai découvert à New York était une libération pour moi. Je cultivais une musique savante. Mais j'ai ressenti le besoin d'exprimer autre chose. Cela s'est concrétisé par cette musique qui permet de créer des ponts. Beaucoup d'artistes en sont convaincus», dira Macha. Et de soutenir : «Le jazz est un territoire sans frontières.» Ses influences de petite enfant étaient portées vers le guitariste virtuose Django Reinhardt, «puisque mon père guitariste l'écoutait énormément». De la musique savante à la world music, Macha a su saisir un public qui la découvre pour la première fois avec son univers «rock» grâce à la touche de son guitariste électrique qui use de toutes les techniques «sonores» pour se mettre à l'unisson du piano. Parfois excessif. Mais le quartet sent de la sorte sa musique. Evoquant le répertoire algérien, Macha révèle son penchant pour la musique chaâbi qui la fait danser en entendant ses percussions. N. H.