Les nouvelles venant de Syrie sont loin d'être rassurantes. Les raids israéliens sur la capitale Damas donnent au conflit une autre dimension. Après la scandaleuse nouvelle offre de paix arabe en contrepartie d'une intervention américaine aux côtés des rebelles, qui n'en était que la première étape. Washington cherche les prétextes et Tel Aviv passe à l'action. La bénédiction internationale est plus audible que le bruit des explosions qui secouent la capitale syrienne. L'attisement des conflits confessionnels n'est que la partie émergente de l'iceberg. Ces conflits sont entretenus par les pays du Golfe et sabordent toute solution politique. L'entrave à la voie du dialogue pour faire précipiter la chute du régime d'Assad a fini par avoir raison de la patience du diplomate algérien Lakhdar Brahimi chargé par l'ONU et la Ligue arabe de trouver une issue rapide au conflit. Le diplomate, qui a vu tous ses efforts torpillés d'abord par la Ligue arabe, se rend à l'évidence. Les évocations de sa probable démission avant la fin du mois n'expriment que le blocage et le découragement qu'a connu la mission de l'émissaire onusien. N'est audible que la voix des armes sur place. Sa démission n'a, de ce fait, pas plus de raisons que celle de son prédécesseur Koffi Annan. Ni les pays arabes, ni les rebelles armés et encore moins les capitales occidentales ne veulent d'une solution négociée. D'où l'échec de toute médiation. Ce qui n'était pas prévu dans ce scénario de pourrissement, du moins pour les pays arabes, c'est l'implication d'Israël. Une implication qui gêne «hypocritement» ces gouvernants, pas plus démocrates qu'Assad d'ailleurs. La neutralisation de l'Iran, objectif stratégique des Américains et des Israéliens, ne gêne pas plus que cela les pays du Golfe. L'Iran est un ennemi commun. Sauf que Damas résiste bien. Après plus de 24 mois de conflit armé, le régime d'Assad garde un certain contrôle des donnes. La destruction systématique de la logistique syrienne s'avère une tâche plus ardue que le dressement des sunnites contre les chiites, alaouites ou chrétiens. Les impacts de cette guerre ont déjà touché l'Irak voisin, le Liban et à un degré moindre les Jordaniens. D'où la nécessité d'agir rapidement pour les Occidentaux. La propagande intense sur une présumée utilisation des armes chimiques par Damas n'était motivée que par cet impératif. Le parti de résistance libanais Hezbollah qui a bien saisi l'enjeu géostratégique est sorti fin avril de sa réserve. La retenue qu'il observait depuis le début du conflit en 2011 n'est plus de mise. Le Hezbollah ne laissera pas le régime syrien tomber. L'Iran aussi. Il multiplie les déclarations de soutien au régime d'Assad. Téhéran sait pertinemment que le conflit syrien n'est qu'un rideau de fumée pour l'atteindre. Les Iraniens n'attendront pas plus pour agir. La Russie, alliée stratégique des syriens, qui maîtrise ce dossier, ne connaît que trop bien la superposition des enjeux géostratégiques dans la région. Le ministère russe des Affaires étrangères s'est dit lundi «très préoccupé» par les raids israéliens menés près de Damas. «Un renforcement de la confrontation armée augmente considérablement le risque d'apparition de foyers de tension» dans les pays voisins de Syrie, notamment au Liban, avertit le ministère russe. Ces raids «ne contribuent pas à la stabilisation dans cette région, au contraire, ils ne font qu'aggraver la situation», a déclaré pour sa part, le secrétaire du Conseil de sécurité russe, Nikolaï Patrouchev, cité par l'agence Interfax. L'ONU s'est dite «très préoccupée» par une possible escalade après des raids israéliens sur le territoire syrien et les mises en garde de l'Iran, du Hezbollah et d'Al Assad, qui font craindre un conflit généralisé. L'utilisation des armes chimiques par les rebelles ne fait qu'accentuer l'inquiétude. La déclaration de Carla del Ponte, membre de la Commission d'enquête de l'ONU sur les violations des droits de l'Homme en Syrie était une véritable douche glacée pour tous ceux qui voulaient enfoncer le régime d'Assad sur ce plan. Dans une interview à la radio télévision suisse italienne (RSI) dans la nuit de dimanche à hier, Mme Del Ponte a affirmé que «jusqu'à présent, nous avons recueilli des témoignages concernant l'utilisation d'armes chimiques, en particulier du gaz innervant, par les opposants et non par le gouvernement». Une véritable douche glacée pour ceux qui voulaient accuser Assad d'utilisation d'armes de destruction massive. L'ex-procureure générale du Tribunal pénal international pour les crimes commis en ex-Yougoslavie (Tpiy), a jeté un pavé dans la mare des détracteurs du régime syrien. La rébellion n'est certainement pas constituée d'enfants de cœur. Les «laïcs», les «modernistes» ne sont pas les plus dominants dans ces groupes armés. Les djihadistes du Front Al Nosra qui ont déjà annoncé leur affiliation à Al-Qaïda, ne sont pas connus pour le respect des droits de l'Homme. Raids, menaces et utilisation d'armes de destruction massive par la rébellion risquent de marquer un tournant dans le conflit syrien, qui a déjà débordé avec des affrontements aux frontières et des centaines de milliers de réfugiés dans les pays voisins. Le Liban proie d'un fragile équilibre communautaire radicalement clivé sur la question syrienne, risque d'être le premier pays à s'embraser. G.H.