Synthèse de la Rédaction économique Après plusieurs mois de reculade, culminant avec un record historique de l'euro en juillet, le dollar reprend des couleurs, alors que les perspectives se dégradent aux Etats-Unis comme dans le reste du monde, les analystes soulignant son aura de valeur refuge. Hier, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a confirmé dans son rapport semestriel que l'économie américaine sera en récession l'an prochain et connaîtra le ralentissement le plus marqué de toute la zone OCDE. Au même moment, le dollar s'affiche en hausse face à l'euro, à la livre sterling et au franc suisse. Au cours du mois écoulé, le paradoxe s'est illustré de façon criante : ainsi, même les difficultés du constructeur automobile américain General Motors, avec ses quelque 250 000 salariés, dont la chute serait un cataclysme pour l'économie mondiale, ont contribué à soutenir le billet vert. «Il s'agit d'une fuite des investisseurs vers les valeurs réputées ‘‘sûres'', et la constitution de cet optimisme indéfectible en faveur du dollar remonte au mois d'août et à la montée des craintes de récession», estimaient les analystes de Commerzbank, qui continuent à qualifier le dollar de «valeur refuge» pour les investisseurs. A observer les courbes du billet vert, il semble que sa convalescence date en effet de l'été où, après un plateau à la mi-juillet, il s'est mis à reprendre cent par cent le terrain perdu au cours des six mois précédents. Face à l'euro, il marque le début d'un mouvement que les analystes voudront voir comme une correction de la monnaie unique européenne, après son record à 1,6038 le 15 juillet, mais qui se transforme en une longue retraite. Le dernier plus bas en date a vu s'échanger l'euro contre 1,2330 dollar le 28 octobre. Sur les quatre derniers mois, l'euro a perdu un cinquième de sa valeur face au dollar, la livre un quart, le dollar australien un tiers. Les monnaies des économies émergentes, livre turque, peso mexicain ou rand sud-africain, ont été saignées à blanc. Pour les marchés, force est de reconnaître qu'ils assistent à l'une des conséquences de la crise financière. Dans un premier temps, le dollar avait été soutenu par l'idée, prégnante chez les investisseurs, que les Etats-Unis souffriraient moins de la crise que les autres ou, du moins, s'en tireraient plus vite grâce à leur volontarisme économique. Mais la raison principale de la remontée du billet vert, soulignent les analystes, tient en deux mots : «credit crunch» (crise du crédit). «Au cœur du système financier, il y a la levée de fonds [leveraging]», explique Marc Chandler, de Brown Brothers Harriman. «Le rapatriement de fonds [deleveraging]», phénomène qui voit les investisseurs liquider leurs placements en devises étrangères à cause de la crise du crédit, «apparaît comme l'une des forces les plus puissantes qui ont propulsé le dollar», détaille-t-il. Baisses record de la consommation américaine, de la construction, de l'activité industrielle, menace de déflation, bond du chômage... rien ne semble atteindre la monnaie américaine. En effet, au-delà des indicateurs, qui servent traditionnellement de boussole aux cambistes dans la mesure où ils pointent vers des baisses ou des hausses de taux des banques centrales, le sentiment du marché a désormais pris la place du conducteur. Ce sentiment s'articule autour du risque qu'acceptent de prendre, ou non, les investisseurs : on le trouve dans la bouche des analystes sous les termes techniques d'«aversion» au risque ou, au contraire, de «goût» du risque. Ce sentiment se reflète nettement dans l'évolution des marchés d'actions dont les devises suivent les fluctuations, tout en encaissant l'impact des différentes annonces ou rumeurs, faillites bancaires, mesures coordonnées des banques centrales ou plans de sauvetage des économies malades.