Rencontré la semaine passée à l'hôtel Hilton d'Alger, le Dr Pharaon, homme d'affaires saoudien, a bien voulu nous entretenir de ses investissements en Algérie et de son litige avec la Cnan Group Spa. Homme d'affaires réputé au niveau international, ses entreprises interviennent dans le ciment, le transport maritime et le tourisme. «Je suis très heureux de mon investissement dans la société des ciments de Béni Saf (Scibs), nous avons pu augmenter la production de 400 mille tonnes par an à un million de tonnes. Nous allons encore investir dans cette cimenterie et arriver à une production supplémentaire de 2 millions de tonnes. Nous espérons, à terme, pouvoir exporter un million de tonnes de ciment», nous a-t-il déclaré. Dans ses rapports avec les décideurs algériens, le Dr pharaon ne s'explique pas la différence de perceptions entre ceux en charge des ciments au niveau du groupe public Gica et ceux des responsables de la Cnan. «Autant les dirigeants sont coopératifs et attentifs aux différentes démarches que nous décidons ensemble pour que le partenariat fonctionne. Nous nous sommes entendus dans le cadre de la promotion des exportations de la réalisation d'un quai dédié à la Scibs au niveau du port de Beni Saf pour pouvoir exporter éventuellement en Europe», explique-t-il. «Il faut savoir que l'Espagne est à six heures et que dans quelques années, il n'y aura plus de cimenteries en Europe», argumente-t-il. Il reviendra sur les litiges que ses entreprises ont eus avec la Cnan Group Spa. D'emblée, il se dira malheureux d'avoir eu recours à l'arbitrage international contre une compagnie appartenant à un pays arabe et frère. «Au départ, l'investissement était porteur car faisant partie de l'un de nos cœurs de métier», explique-t-il. «Nous avons amorcé notre partenariat avec la Cnan group sur de très bonnes bases», affirme-t-il. «Nous avons constitué la société International Bulk Carrier Spa (IBC) avec comme actionnaire la Cnan avec 49% des parts, M. Laradji avec 2% et CTI group et Pharaon commercial investment pour 49%», se souvient-il. «Nous nous étions mis d'accord sur le plan d'investissement par la remise en état de 8 navires et avions, entamé notre travail dans le sens de l'accord», dira le Dr Pharaon avec une pointe de regret au regard de la tournure qu'a prise la joint-venture. «Hélas, un changement dans la direction de la Cnan allait briser l'élan», regrettera-t-il. Dans le protocole d'accord entre les deux parties, le nouvel investisseur devait réparer 3 navires en Roumanie. Une catastrophe naturelle ayant endommagé un quai du chantier naval roumain obligera IBC a changé de chantier. Les navires seront dirigés vers un chantier naval grec et le coût de la réparation sera donc plus cher. Une différence de valeur entre les monnaies de facturations (euro pour la Grèce et dollars pour la Pologne) et une main- d'œuvre grecque plus coûteuse enclencheront un processus qui aboutira au niveau de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI. Pour les décideurs de la Cnan, il y aurait eu «falsifications de factures et des surcoûts injustifiés». La partie incriminée (CTI et Pharaon) décide d'avoir recours au plus prestigieux cabinet maritime pour une expertise. «Cette expertise sera refusée. Nous avons proposé à la Cnan de nous proposer 3 cabinets d'experts en la matière et que nous en choisirons un. Cette proposition fut rejetée par la Cnan qui a désigné un expert algérien», raconte le Dr Pharaon. «Suite à cela, la Cnan a saisi la Banque d'Algérie pour bloquer toutes les opérations de commerce extérieur de IBC», regrettera-t-il. La BA se conformera aux desideratas de la Cnan sans demander de décision de justice. Une opération qui aurait pu relever simplement d'une décision du conseil d'administration d'IBC a été transposée vers une institution de l'Etat. «Au regard de toutes ces entraves, j'ai pris des rendez-vous au niveau de la présidence, du chef du gouvernement de l'époque et j'ai été reçu par Abdelhamid Temmar, ministre de la Promotion de l'Investissement», nous confiera-t-il. «Je me souviens que M. Temmar m'avait expliqué les blocages que je subissais par le fait que la moitié des cadres algériens avaient été mis en prison, comment voulez vous qu'une personne décide ?», raconte-t-il en citant le ministre de l'Investissement. «En tant que citoyen rave et musulman, je me suis toujours refusé d'entraîner un gouvernement frère vers le tribunal d'arbitrage. Mais on ne m'a pas laissé le choix. Je regrette d'avoir gagné surtout de cette façon. La cour m'a donné raison au centième de dollar près» dira-t-il. Tout en affirmant qu'il n'investira pas dans le secteur des transports, il dira que l'Algérie est belle et pleine d'opportunités dans tous les domaines. Il nous expliquera la faiblesse des investissements saoudiens dans le pays par la barrière de la langue et du fait que les Saoudiens sont plus tournés vers l'investissement dans l'immobilier de luxe. «Je continuerai avec Gica car il y a de bonnes affaires à faire» dira-t-il en conclusion.