Quel rôle jouent les ressources énergétiques dans les pays qui en disposent ? Le pétrole est un facteur de développement ou d'enrichissement ? Quel usage fait-on de la rente pétrolière ? Ce sont autant de questions auxquelles Louis Martinez, expert en économie politique, a essayé de répondre au cours d'une conférence-débat qu'il a animée hier au Centre d'études stratégique du journal Echaab. Il souligne que, dans les années soixante-dix, le pétrole était, avant tout, un «atout idéologique». Les ressources en abondance des pays pétroliers en faisaient un «usage irrationnel», a-t-il dit, citant en exemple des pays structurés dans l'OPEP. Cette rente a, selon lui, produit «l'effet richesse» qui suscite des «attentes sociales», créant conséquemment des corps sociaux «contaminés», «empoisonnés». La raison ? Louis Martinez estime que dans les pays pétroliers où la démocratie fait défaut, la rente pétrolière «n'obéit à aucune règle sociétale». Le Nigeria, un pays qui exporte pour trois millions de barils par jour, est donné en exemple. Le pétrole est présenté ainsi comme un «produit maléfique», note-t-il. Il y a par ailleurs des pays qui ont fait du pétrole un instrument de puissance (Russie, Arabie saoudite et autres pays du Golfe, l'Irak). Ce sont des pays, rappelle le conférencier, qui ont engagé des «budgets colossaux dans l'armement». L'Arabie y a mis «cent dix milliards de dollars entre 1970 et 1992», rapporte-t-il. Et de poursuivre : c'est «pour se protéger». Cela veut dire qu'on associe le pétrole à de la puissance. L'usage que beaucoup de pays ont fait de la gestion du pétrole est-il payant, si l'on fait une rétrospective sur les trente dernières années ? Louis Martinez semble dire les choses comme elles sont. Il estime ainsi que les Libyens ont construit une rivière souterraine à coup de milliards de dollars (près de 80, en fait), alors qu'ils auraient pu monter des usines de dessalement de l'eau de mer qui pouvaient leur revenir beaucoup moins chers. L'Irak, un pays en guerre aujourd'hui, pourrait ne pas pouvoir en sortir si demain les troupes américaines quittent ce pays, fait observer le conférencier. Car il estime qu'il n'est pas impossible de terminer dans un «système à la nigériane, du fait du pétrole», justement. Qu'en est-il de l'Algérie ? Il souligne à ce sujet que le pays a «bien fait de payer sa dette», tirant ainsi profit de la rente pétrolière. Il estime cependant qu'il ne peut pas se maintenir «dans l'immobilisme éternellement», bien qu'il soit «préférable» de ne rien faire, parce que l'on ne voit pas clair, plutôt que «de faire des choses» avec un arrière-plan «idéologique». Pour lui, mieux vaut prendre le temps de voir ce que l'on fait de la rente pétrolière. Et dans les pays pétroliers à démocratie développée ? Le conférencier passera en revue les progrès enregistrés en Norvège, au Canada, en Grande-Bretagne et en Ecosse. Ce sont des pays qui, fait-il remarquer, ont fait un bon usage du pétrole pour développer leurs économies. Y. S.