La réflexion autour du lien entre le pétrole, le développement et la démocratie a fait l'objet d'une étude menée par un groupe de chercheurs, dont M. Martinez, qui porte sur l'analyse de 15 pays, des années 1970 à 2005-2006. Quel lien existe-t-il entre le pétrole, le développement et la démocratie ? Cette question a été abordée, hier, dans une conférence animée par Luis Martinez, chercheur au CERI-FNSP (France), également directeur de recherche à Sciences Po, au Centre des études stratégiques (CS) de notre confrère Ech Chaab. La réflexion autour de cette question a fait l'objet d'une étude menée par un groupe de chercheurs, dont M. Martinez, qui porte sur l'analyse de 15 pays, des années 1970 à 2005-2006, et qui s'est intéressée surtout à “l'économie politique des Etats rentiers”. Le pétrole est certes une ressource économique, mais il a connu un “marquage idéologique”, a averti le conférencier. Pour ce dernier, le pétrole a représenté “une revanche des pays indépendants et des pays émergents” et sera vu comme “un instrument d'étatisation” pour les jeunes Etats, dont l'Algérie. Concernant le lien entre le pétrole et la démocratie, le spécialiste du Maghreb et du Moyen-Orient a révélé que l'étude a développé “deux pistes”, l'une portant sur des pays démocratiques (Norvège, Royaume-Uni, Canada…) qui utilisent le pétrole comme “un outil économique” et l'autre sur des pays pétroliers où “la rente va empoisonner les Etats”, en l'absence d'institutions démocratiques assez fortes pour combattre “la corruption généralisée” et prévenir contre “les violences et l'irruption de contestations”. “Lorsque la rente est précédée par un système démocratique, elle est gérée de façon rationnelle. Mais, dans les pays pétroliers qui s'initient plus tard à la démocratie, la rente pétrolière risque d'être un empoisonnement”, a soutenu le chercheur français. Pour ce qui est de la relation pétrole-développement-démocratie, il a indiqué que celle-ci renvoie à la société, du moins à la société dans son rapport à la rente pétrolière. Dans ce cadre, deux cas sont observés, celui des Etats démocratiques où la société a un droit de regard sur l'utilisation de la rente et le cas de pays pétroliers, y compris le Nigeria, qualifié de “cas extrême de non-intégration des sociétés à la gestion de la rente pétrolière”. D'après l'invité du CS d'Ech Chaab, les pays du Golfe et la Russie ont été classés parmi “les exceptions”, car “on ne savait pas où les mettre dans notre enquête”. Contrairement à des pays comme l'Algérie, la Libye et l'Irak, qui avaient manifesté “une volonté de puissance affirmée”, les Etats du Golfe, à leur tête l'Arabie Saoudite, vont devenir les “principaux exportateurs d'armes”. “Les pays du Golfe utiliseront le pétrole pour se protéger et non pour se projeter”, a signalé M. Martinez, en notant la part énorme (30%) du budget du gouvernement saoudien, consacrée à la défense. Quant à la Russie, elle percevra le pétrole comme “un instrument de développement, de puissance et de transition démocratique”. Pour M. Martinez, ce pays entretient “l'amalgame” sur les objectifs assignés à la ressource pétrolière, donnant lieu à “des coalitions” qui risquent de se défaire. Selon lui, deux autres pays sont aussi “porteurs d'amalgame” au sujet de la relation pétrole-développement-démocratie, où “la rente pétrolière aura été un poison”, à savoir : le Venezuela et le Mexique. Contrairement à la Norvège, “modèle parfait de la gestion de la rente”, les modèles vénézuélien et mexicain sont considérés “plus réalistes” pour des Etats comme le nôtre, a laissé entendre le chercheur, en assurant qu'ils ont “le mérite de maintenir un système démocratique, même s'il est imparfait”. “Ce sont des pistes de recherche et non pas des vérités”, a-t-il cependant averti. Lors du débat, Luis Martinez a relevé qu'aujourd'hui, “l'avantage de l'Algérie, c'est d'avoir pris le temps d'utiliser la rente pétrolière en remboursant sa dette (extérieure, ndlr) et c'est aussi les 140 milliards de dollars de réserves”. Mais, l'Algérie, a-t-il déploré, “n'est pas dans la stratégie ni dans un projet pour les 20 ans à venir au profit des citoyens”. “Quand on ne sait pas, c'est l'immobilisme et c'est dangereux, car cela peut alimenter à terme des idéologies radicales”, a-t-il renchéri, avant d'ajouter : “La rente pétrolière peut servir à fabriquer le capital humain, dans la durée. Le pire qui pourrait arriver à l'Algérie, c'est la politique autocratique de la rente.” H. Ameyar