Par Mohamed Touileb Cette saison, encore une fois, la majorité des clubs de l'élite footballistique algérienne ont connu des problèmes liés directement à la gestion financière. Récurant, faisant même partie intégrante, minant un sport roi où l'argent coule tellement jusqu'à noyer les équipes dans des dettes immenses. Un processus de professionnalisation entravé par un fléau, un spectre qui fait peur. Le cauchemar de la «trésorerie vide» a fait, c'est une habitude, une maladie apparemment incurable, des ravages compromettant dans une large mesure l'avenir d'un sport où la stabilité nécessaire pour le bon déroulement d'un exercice marqué par des mouvements de grève qui ont coupé pal mal d'équipes dans leur élan, est devenu un vain mot, voire un vœu pieux. Si le MC Alger, racheté par la grande entreprise d'hydrocarbures nationale (Sonatrach), et l'USM Alger, propriété d'Ali Haddad, qui est à la tête d'une grande firme nationale privée de travaux publics et construction, ont été des exceptions dans une D1 Pro où les poules n'ont pas souvent «pondu des œufs d'or», la majorité de nos équipes ont du faire face à des problèmes graves dans un domaine où il faudra faire des efforts, «bricoler» même, pour tenir la route. Pire, parfois les montagnes ont accouché de petites souries. Le nerf du football a explosé. Principales sources financières dans le monde entier, la vente des billets, les droits TV, les revenus commerciaux, les transferts de joueurs, et les primes liées à la performance ne sont pas à l'ordre du jour en Algérie et donc pas du tout rentables ou ne rapportant que des prunes. Si les clubs bénéficient des droits de retransmission d'un championnat diffusé seulement sur les chaines nationales, les tickets d'accès au stade ne sont pas «lucratifs» car ne connaissant pas l'engouement voulu. Les stades se remplissent presque à ras bord et en même temps la billetterie enregistre des chiffres toujours en deçà des prévisions ou du nombre d' «amoureux» du club présents dans les travées. Quant à la vente de joueurs, tout se fait sous la table, déclaration de faux chiffres, même si les montants des transferts restent mirobolants, l'argent drainé de l'opération va, s'accorde-t-on à dire, dans les comptes des dirigeants et des agents qui s'en mettent plein les poches. Au final, les primes de performances restent de loin inférieures en comparaison avec les dépenses que fait le club tout au long de l'exercice. N'empêche, qu'une solution existe bien mais les présidents de nos clubs qui préfèrent les voies détournées, le moyen le plus facile, le gain sans sacrifices, ont peur de voyager en Afrique pour jouer les prestigieux tournois avec d'énorme chèques au bout en cas de consécration ou au moins, atteindre des tours avancés où des sommes considérables se gagnent. On parle bien sur de la Ligue Des Champions Africaine et de la Coupe de la CAF «boudées» par les clubs algériens en raison, on le sait, d'un niveau ne leur permettant pas de soutenir la comparaison face au reste du continent. Une des explications, peut-être, aux difficultés en matière de liquidités rencontrées par une élite n'ayant jamais brillé et qui se contente d'essayer de s'imposer au niveau local qui reste considérablement inférieur à d'autres championnats en Afrique. Pas seulement.
Tout le monde cherche preneur Pas besoin de faire des dépenses faramineuses pour jouer les premiers rôles. Une thèse que l'USM El-Harrach a prouvée en terminant la saison à une seconde place méritée. Une marche plus haute, l'ES Sétif a remporté son deuxième championnat de suite, le 6e de l'histoire des Aigles Noirs qui se sont posés encore une fois sur le sommet du football algérien, le club qui a connu des difficultés financières à la mi-saison, s'en sortira toutefois sans trop de casse (jusqu'à quand?) en gardant sa couronne nationale. Belle satisfaction, la crise qui avait un temps perduré n'a pas, au grand bonheur des fans, empêché Delhoum et consorts d'arriver à bon port. Le CR Belouizdad pour sa part a connu un très bon début de saison avant de décliner à partir du moment où le problème de «money»s'était manifesté. De nombreux salaires impayés, des joueurs qui boudent les entraînements. Conséquences immédiates, l'instabilité et déconcentration vont freiner les poulains de Foued Bouali dans un parcours sinueux ponctué tout de même par une honorable 6e place. Si le Chabab a «eu du bol» en terminant la saison dans le top 10, d'autres sigles n'ont pas connu la même «réussite» et ont flanché comme le CA Batna qui a basculé au purgatoire ou le mythique MC Oran passé, encore une fois et pour la énième fois ces dernières saisons, pas loin de la relégation qui gagne un autre sursis. Pour sortir du rouge et faire face au tarissement des sources de financement, certains réclament évidemment le même régime de faveur que les autres clubs (MCA - CSC- MCO et JS Saoura) dont les «revendications» ont abouti, et donc une prise en charge par des entreprises étatiques afin de leur donner une poussée afin de bien s'ajuster au moule professionnel aux contours encore indéfinis. A l'image du CRB qui a sollicité dernièrement l'Etat afin d'intercéder auprès de la Caisse nationale d'épargne et de prévoyance (Cnep) quant à un éventuel rachat du club. Une conclusion qui pourrait mettre fin à la crise financière comme ce fut le cas à l'USMA, le MCA, le MCO ou encore le CSC parvenus à trouver des acquéreurs leur permettant de prendre d'énorme bouffées d'oxygènes qui se sont avérées décisives lors du sprint final.
L'Etat fait de son mieux Le ministère de la Jeunesse et des Sports contribue activement au développement d'une discipline qui dépend toujours des subventions financières allouées par l'Etat, des enveloppes budgétaires relatives à la prise en charge des catégories jeunes sont livrées. Une contribution étatique afin de donner une poussée aux clubs dans leur chemin vers une professionnalisation qui semble hors d'atteinte, toujours lointaine. En attendant, beaucoup de choses doivent être revues et corrigées. Si l'échec d'entreprise est annoncé, c'est en grande partie à cause de sa figure de «proue», son patron. Les dirigeants ne se sont jamais vraiment acquittés de leur tâche en privilégiant la transparence ou en assumant toutes leurs responsabilités afin de rendre les copies souhaitées en fin de saison que ce soit en matière de résultats ou de gestion financière surtout qui suscite d'innombrables interrogations. Disons une mauvaise gestion qui finit toujours par avoir des répercussions sur l'entourage du club et ses résultats qui, et plus l'argent manque, moins ils deviennent reluisants. Une relation inévitable et irréversible, comme le prouve cette courbe du rapport argent–résultats. De nos jours, un club de football supposé être professionnel constitue une véritable entreprise drainant des milliards qui s'envolent comme par magie. Une magie absente des terrains de football où le spectacle reste sans attrait et des plus ennuyeux. En parallèle, les montants communiqués par ci et par là (notamment des seuils atteints par les salaires et les transferts) sont à la limite du scandaleux. En attendant des jours meilleurs, le football algérien continue de manger son pain noir tant qu'il ne passera pas à une étape supérieure. Celle de l'indépendance financière et la conquête du continent. Un véritable plan financier devrait être mis en place par la Fédération algérienne de football (FAF) afin d'instaurer un vrai championnat professionnel dans les deux paliers. Sauf que, malheureusement, ce nouveau départ ou cette nouvelle dimension promise, n'est pas à l'ordre du jour. Et ça risque, on le craint, à voir les décors, de prendre du temps, beaucoup même. Il faudra alors prendre son mal en patience, en attendant de prendre les bonnes décisions au moment opportun. Avoir la main lourde quand il le faudra pour instaurer la transparence et la discipline comme c'est le cas ailleurs. Outre l'argent, la discipline et le «fair play» sont deux facteurs essentiels pour la réussite de tout projet sportif, notamment dans le sport-roi. La Fédération anglaise de football (FA) en est l'illustration parfaite et reste la référence en la matière. Que ce soit en termes de discipline ou dans la gestion financière, l'exemple est à suivre. Il n'y a pas de mal à imiter mais il faudra s'adapter à l'environnement aussi et à la mentalité. 12 clubs «sur les tablettes» des entreprises Une saison s'achève, presque en queue de poisson sur bien des sujets. Une autre devrait démarrer dès fin août prochain. De courtes vacances pour faire le point et se pencher sur l'avenir. Un avenir incertain? Pas tout à fait, parce que beaucoup de formations, en crise financière aiguë, peuvent croire à des nouveautés, une sortie imminente. Jeudi, on apprenait ainsi qu'environ douze clubs du championnat de Ligue1 algérienne de football seront pris en charge par des grandes entreprises étatiques ou privées avant le début de la saison prochaine, rassurait cette fin de semaine le président de la Ligue de football professionnel (LFP), Mahfoud Kerbadj, qui annonçait, lors du dernier forum du journal El Moudjahid qu'effectivement, «plusieurs clubs sont en contacts avancés avec des entreprises étatiques et privées en vue d'un rachat par ces dernières de la majorité des actions des capitaux de leurs sociétés sportives», se disant «soulagé» par cette imminente arrivée de grandes entreprises économiques pour investir dans le football d'élite, non sans mettre en garde contre de possibles dérapages et ce, en appelant tout le monde à «tirer les enseignements de l'expérience de la réforme sportive de 1977 lorsque les clubs de l'élite étaient rattachés à des entreprises étatiques, mais après le désengagement de ces dernières, elles n'ont rien laissé derrière elles et ces clubs se sont retrouvés livrés à eux-mêmes.» Il conseillera, à cet effet, «les entreprises appelées à racheter les capitaux des clubs de Ligue1 devraient notamment faire bénéficier ces formations de leur expérience en matière de gestion pour les restructurer et leur permettre d'avoir une administration professionnelle.» Bonnes nouvelles. En espérant bien sûr qu'à partir du prochain exercice, nos clubs des Ligue1 et 2 se consacrent, en plus du beau jeu et de la formation, à redorer le blason d'un football national à la croisée des chemins. M. T.